Valère, seize ans, est un habitant de la Nouvelle Sparte, construite sur les rives du lac Baïkal suite à l'effondrement du monde ancien. Avec ses nombreuses réflexions sur le monde et son talent pour la poésie, digne d'un aède antique, il aurait très bien pu devenir philosophe. Il a pourtant choisi une autre voie, celle des cieux. Il sera pilote de squaline, comme son amie Alexia, ou plutôt parce qu'Alexia souhaite le devenir après leur kryptie, une épreuve initiatique de passage à l'âge adulte, à l'issue de laquelle les jeunes deviennent citoyens à part entière de la Fédération et peuvent entamer la formation qu'ils souhaitent. Valère, lui, ne peut imaginer être séparé d'Alexia une seule seconde. Pourtant, une série d'attentats à Nouvelle Sparte va ébranler son monde et le pousser à entamer une mission risquée en territoire hostile pour sauver ceux qu'il aime.
J'ai dévoré Nouvelle Sparte. Je n'avais pas lu de livre d'Erik L'Homme depuis mon enfance et je me suis trouvée tout aussi happée par son dernier roman que je l'avais été des années plus tôt par sa trilogie du Livre des Étoiles.
Valère est un protagoniste passionnant. Il a en lui l'émoi des années adolescentes : la quête de soi-même et de son identité, la redécouverte des rapports filiaux, l'apprentissage de l'amour et les interrogations sur l'avenir et sur sa valeur propre. Le regard qu'il porte sur son environnement est toujours empreint de sagesse. Et pourtant, il ne demeure pas figé mais évolue au gré de ses aventures, de sa confrontation avec de nouvelles idées, de nouvelles manières de vivre. Il est appréciable de sentir le jeune homme mûrir véritablement au cours du récit. Nous croisons moins souvent Alexia et les autres personnages, Valère étant suivi presque constamment par le narrateur omniscient, mais ceux-ci demeurent également très intéressants, des amis d'enfance de Valère aux personnes qu'il rencontre par la suite. J'ai particulièrement apprécié le personnage de Pam, tout en contraste.
Un autre point fort de cet ouvrage est incontestablement son univers. Les premiers chapitres, basés à Nouvelle Sparte, donnent l'impression de s'y promener en même temps que les héros. Cette impression est un peu moins vive par la suite, lorsque Valère se rend à l'étranger, l'univers restant finement dépeint. Erik L'Homme nous décrit, par la bouche de ses personnages, la beauté du lac Baïkal, d'un désert ou d'une ville tentaculaire et on la ressent à la lecture. Les personnages adoptent d'ailleurs un parler bien spécifique qui ne fait qu'apporter profondeur au récit, sans nuire à sa compréhension.
La couverture réalisée par Antonin Faure est magnifique. Figurant une déesse grecque (Athéna ou Artémis ?) surdimensionnée, hiératique, se tenant au milieu d'une ville à l'allure antique et néanmoins futuriste, elle m'a rappelée l'imagerie du film Metropolis de Fritz Lang. Les points communs s'arrêtent sans doute là, sauf pour le fait que l'ouvrage comme le film renvoient à une série d'aventures qui est tout autant matière à une réflexion qu'à distraction. Les sociétés décrites ont plus ou moins de points positifs mais aucune n'est diabolisée ou idéalisée, Valère lui-même est un être fondamentalement tolérant et réfléchi. C'est là la vraie magie de Nouvelle Sparte à mon sens : faire s'interroger le lecteur, et notamment le jeune lecteur, à la suite de Valère, tout en offrant une belle occasion de s'amuser ! Les enfants (et adultes) friands de mythologie, de monde post-apocalyptique ou encore d'espionnage devraient l'apprécier autant que moi.