Même si Breq est arrivée dans le système d'Athoek en tant que capitaine de flotte, et sur l'ordre de la Maître du Radch (l'une des deux Anaander Mianaaï, en tout cas), son but premier en y allant est de retrouver Basnaaïd Elming, la soeur de la lieutenant Awn qu'elle a assassinée sur l'ordre de la Maître du Radch. Mais elle est néanmoins consciente de la valeur intrinsèque des consignes reçues, de maintenir l'ordre et la sécurité des citoyens dans le système. Or, elle s'avise immédiatement d'une situation explosive. Au sens littéral du terme, d'ailleurs, car son vaisseau, Le miséricorde de Kalr, est menacé dès son apparition par un autre vaisseau radchaaï, L'épée d'Atagaris.
Il s'avère rapidement que le capitaine de ce vaisseau appartient à la faction de l'autre Anaander Mianaaï, et/ou n'hésite pas à participer à un système social foncièrement injuste, tant sur la station que sur la planète, tant qu'elle y trouve son compte. Et comme elle est loin d'être la seule dans ce cas, Breq va se faire encore plus d'ennemis que d'habitude. Pour rendre encore plus périlleuse une situation tendue dès l'origine, la capitaine de flotte découvre la présence, qui lui avait été dissimulée, d'un ambassadeur des Presgers, ces terrifiants extra-terrestres concepteurs de l'arme quasiment invisible et invincible qu'elle porte.
Ce roman permet de donner de l'épaisseur à l'univers esquissé dans le premier tome de la trilogie. Les Presgers, notamment, ne se bornent plus à évoquer de lointaines histoires-à-faire-peur, mais apparaissent, comme des étrangers fondamentaux, de façon fort habile. Par contraste, la cruauté inconsciente et insouciante des Denché, mère et "fille", a quelque chose d'extrêmement familier, comme le personnage de Piat, ou même de Tisarwat, la "bébé lieutenant", qui est à la fois plus et moins que cela.
L'auteure est très habile dans l'utilisation de l'antiquité de ses personnages principaux, tant Breq que Seivarden, même si cette dernière n'occupe plus vraiment le devant de la scène dans cette intrigue : cela leur permet de connaître et reconnaître des éléments qui ont disparu de la culture courante. Enfin, la peinture de l'exploitation d'un esclavage qui ne dit pas son nom, tout en finesse, est très bien faite également.
Si j'ajoute à cela que l'action est incessante dans ce tome, et que l'histoire est plus facile à suivre que dans le premier, du fait que le lecteur est en possession des fondamentaux de l'univers de l'auteure, on comprendra que c'est une lecture vraiment palpitante. Pour ma part, j'attends avec impatience la parution du troisième et dernier tome !