Il est rare que les elfes blancs quittent leurs îles. Ils se mélangent mal avec les autres races et préfèrent vivre en petites communautés, profiter de leurs richesses, de leur savoir et jouir de leur supériorité sur les humains, les nains et les autres elfes, tout en se délectant du temps qui passe.
Mais, parfois, l'un ou l'autre d'entre eux part à l'aventure sur le continent. Évidemment, pas simplement pour faire du tourisme. Fall et son père ont débarqué sur la terre des hommes pour chasser. Leur objectif est, toutefois, bien éloigné d'une vulgaire chasse à courre. Ce sont des elfes blancs. Ils visent l'animal le plus puissant et le plus dangereux de l'univers connu : le dragon blanc (et non pas le nain sobre par obligation dans une taverne). Les pisteurs elfes se sont donnés la mission de le traquer, de le dompter et de le ramener sur leur île.
Ce troisième tome de la série des Elfes nous fait découvrir une nouvelle branche chromatique de cette race d'illuminés hautains. Les elfes blancs présentés dans cette histoire correspondent, sans surprise, à l'elfe ultime de la mythologie de la fantasy ou aux hauts-elfes d'autres univers. Ils sont loin d'être mes personnages favoris mais, après déjà deux bonnes pioches dans cette série, je me suis laissé tenter.
Elfe blanc, coeur noir est le récit d'une longue chasse. Peru nous propose d'y suivre Fall et son mentor paternel, partis sur le continent pour montrer à leurs compatriotes qu'ils sont suffisamment forts et malins pour attraper un dragon blanc. Le père, chasseur expérimenté, doit également initier le fils dans ce domaine. L'histoire est longue, j'insiste sur cet adjectif, pour deux raisons : entre le début et la fin de la traque, des dizaines d'années se sont écoulées et les chasseurs elfes vont voyager à travers les terres d'à peu près toutes les races connues de l'univers. Étonnamment, malgré cette aventure bien étirée, mon ressenti de la longueur du scénario est étrange.
Les actions et les scènes se passent et se suivent si vite qu'on n'a que très peu l'impression du temps qui passe (surtout avec des elfes qui ne vieillissent pas). Cet album va vite. Trop vite. On dirait que toute l'histoire passe en avance rapide et ce ne sont pas les quelques bulles signalant que dix années ont passé qui arrangent le problème. On a à peine le temps de découvrir les personnages que Peru passe à autre chose, pour arriver à un résultat final décevant car trop simple et convenu.
Néanmoins, Peru construit son récit en différentes phases avec talent. Pour nous permettre de découvrir les elfes blancs, il lance, intelligemment, une série de réflexions sur la condition de ces elfes dans leur monde, sur leurs responsabilités, sur l'impact de leurs traditions et leur devenir.
Graphiquement, l'ensemble dessiné par Bileau et mis en couleurs par Merli est beau, fin et bien travaillé, avec une mention particulière sur la qualité des décors naturels. La mise en scène est, par ailleurs, vivante et rythmée. Toutefois, un élément du dessin m'a gêné tout au long de cette bande dessinée : Les visages façon cartoon m'ont cassé totalement l'immersion dans l'univers et j'ai eu beaucoup de mal à passer outre ce point.
Bref, Elfe blanc, coeur noir est un épisode plutôt réussi. S'il peut se prévaloir de qualités intéressantes (l'album est graphiquement remarquable, l'aventure est divertissante, les interrogations sur la condition des elfes et l'atmosphère générale), il pèche aussi par plusieurs défauts assez gênants comme un rythme mal maîtrisé ou un design des têtes des personnages hors contexte selon moi.