Les Chroniques de l'Imaginaire

Les déportés du cambrien - Silverberg, Robert

Dans un futur dystopique, le nouveau gouvernement totalitaire des États-Unis dispose d'une puissante arme contre ses opposants. Maître du voyage dans le passé, la Syndicature condamne les aspirants révolutionnaires à un exil à l'ère du cambrien. La technologie ne permettant pas le voyage inverse, vers le futur, ces prisonniers sont destinés à demeurer toute leur vie isolés du monde qu'ils ont connu et à sombrer lentement dans la folie. 

Barrett est l'un de ces hommes. Il a su domestiquer ce monde et se hisser au rang de Roi de ses semblables. Malgré son âge avancé, il tente de veiller sur chacun et de repousser le désespoir. 

Un jour, la machine à voyager dans le temps, baptisée le Marteau, rougeoie et un nouveau prisonnier est expédié dans la colonie. Barrett ne tarde pas à s’apercevoir que le nouveau venu, un dénommé Lew Hahn, n'est pas comme les autres. Il va tenter d'en apprendre plus sur lui et réalise, ce faisant, un bilan de sa vie de contestataire.

Ce court roman de Robert Silverberg nous conduit dans deux univers hostiles. Le premier, celui du cambrien, est peuplé de vieux révolutionnaires perdant lentement l'esprit mais tentant encore de résister à cette lente décadence. Barrett et ses compagnons d'infortune, Quesada le médecin ou encore Latimer le mystique touchent par leur fragilité psychologique et par les efforts qu'ils déploient, chacun à leur manière, pour s'en sortir. Même Altman, un obsédé mu par son désir de recréer la femme à partir de coquillages, parvient à susciter la compassion du lecteur. Le paysage de ce monde encore en gestation est décrit comme lisse et sans aspérité, alternant la terre nue et la mer peu profonde. Il n'en acquiert pas moins une saveur toute particulière, presque lyrique, au travers des yeux du protagoniste, Barrett.

Le second univers est celui de « là-bas », comme l'appellent les prisonniers, c'est-à-dire le futur auquel ils ne pourront plus jamais accéder. À travers les souvenirs de Barrett, nous découvrons l'histoire du coup d'État ayant ébranlé les États-Unis et réduit la liberté individuelle de manière drastique. Nous assistons aux réunions secrètes de Barrett pour renverser le régime comme aux rafles le séparant progressivement de ses compagnons. 

Les chapitres alternent entre ces deux univers. J'ai de loin trouvé le premier, celui du cambrien, le plus passionnant. Le mystère de l'arrivée de Lew Hahn tout comme la vie quotidienne des occupants du camp ont plus retenu mon intérêt que le passé militant de Barrett, dont on connaît déjà l'issue fatale. 

Le voyage dans le temps en lui-même est très peu décrit. Il n'est qu'un moyen au service de l'intrigue. Amateurs de voyages dans le temps, n'ouvrez donc pas ce livre à la recherche d'aventures rocambolesques en tous points de l'espace-temps. Cet ouvrage est en outre bien plus réflexif que trépidant. 

Pour conclure, les déportés du cambrien vaut le détour pour les amateurs de dystopies politiques et de romans de science-fiction plus contemplatifs que haletants.