Blake est un traitre.
Devant les yeux ébahis des responsables du renseignement britannique et de ses collègues, sa silhouette se découpe clairement sur la photo projetée.
Il est la taupe que tous les services du pays recherchent depuis des mois.
Le capitaine Francis Blake sort alors son arme de service, menace ses anciens confrères choqués par la révélation, et prend la fuite avec l'espion arrêté qu'ils étaient en train d'interroger.
Pour relancer la série Blake et Mortimer une dizaine d'années après le décès de l'illustre Edgar P. Jacobs, Dargaud a réuni deux excellents auteurs de BD. Van Hamme s'occupe du scénario et Benoit du dessin, les amateurs de Blake et Mortimer auraient pu difficilement rêver mieux, surtout que l'un et l'autre sont en très grande forme.
Le dessin de Benoit suit les traits et le style de Jacobs à merveille. La continuité graphique est totale avec les épisodes précédents. C'est beau, c'est engageant, c'est fluide. Le crayon de Benoit est précis graphiquement et historiquement. On est envoyé en voyage à travers le Royaume-Uni des années cinquante. Le dépaysement est là et l'atmosphère bien britannique est délicieuse. Je devrais, d'ailleurs, plutôt parler des atmosphères, puisque Van Hamme et Benoit nous font régulièrement changer d'endroit : des clubs de gentlemen londoniens lambrissés, aux bas quartiers puants et défraîchis de la capitale en passant par la grisaille des villes industrielles du nord et la douceur des Highlands écossaises. Même la météo est vivante, entre le soleil chaleureux, le brouillard épais et les averses drues.
Le travail du dessinateur nous place, à chaque vignette, dans un cocon et dans la peau des personnages. L'affaire Francis Blake est un bel ouvrage et une grande réussite visuelle, de sa brillante couverture jusqu'à sa dernière case.
Si Benoit fait tout ce qui est en son pouvoir pour nous en mettre plein les yeux, son collègue Van Hamme nous casse la figure.
J'étais très jeune lorsque j'ai lu pour la première fois cet album. Malgré mon âge précoce, j'étais déjà un grand amateur de Blake et Mortimer (piqués dans la bibliothèque paternelle).
Ça a été un choc. Blake, le héros de guerre droit et honorable, un traitre ? Voilà comment le vieux Van Hamme démarre un magnifique récit d'espionnage, un récit haletant de bout en bout, parsemé de surprises, brutal, qui plus est, pour des acteurs dans le doute. Van Hamme tient ce rythme élevé jusqu'à la conclusion de l'histoire, ce qui est un coup de maître pour une bande dessinée plutôt appréciée pour sa cadence posée et ses interminables dialogues (qui sont bien présents !). Van Hamme joue avec l'univers de Jacobs qu'il semble apprécier énormément et nous sort un superbe Olrik. Il s'amuse et cela se ressent.
Au fil du temps et des relectures, L'affaire Francis Blake est devenue l'un de mes albums favoris (avant et après le redémarrage de la série), que je ressors régulièrement pour le savourer et dont le charme me paraît indémodable.
L'affaire Francis Blake est un coup de génie orchestré par deux maîtres de la BD franco-belge. Simplement.