Les Chroniques de l'Imaginaire

Fil de fer - Pouchain, Martine

L'Exode. Mais l'Exode vu par les yeux d'un enfant, c'est ce que raconte ce beau roman historique, au tout début de la seconde guerre mondiale. Gabrielle a quinze ans. Elle a trois sœurs, et tous vivent dans une ferme de la Somme. C'est la vie à la campagne assurée, les corvées, l'école et les bons moments passés en famille et avec ses amis. Mais Gabrielle, surnommée "Fil de fer" tellement elle est fine, est rêveuse et se questionne énormément sur la vie, les Hommes, les garçons et son avenir. Quant arrivent les premiers avions allemands...

Il est donc temps de fuir, c'est ce que décide son papa. Alors leur vie résumée sur une charrette tirée par trois chevaux bascule du jour au lendemain, ils fuient les bombardements et les Allemands qui approchent à grands pas. C'est alors sur ce chemin qui les mènera en Bretagne que Fil de fer trouvera l'amitié, l'amour et un sens à sa vie d'adolescente auprès de Gaëtan, malgré les horreurs de la guerre.

Martine Pouchain est admirable d'avoir trouvé cette idée de roman. Déjà, la couverture n'est pas commune : joli dessin représentant des collines avec des chemins pleins de migrants, et Fil de fer en bas de cette couverture avec un compagnon transparent. Où ces chemins mènent-ils ? Vers la fin de la guerre, la liberté, la mort, l'amour, la haine de l'ennemi ?
"On a traversé des villes et des villages, des villages et des villes, des villages, des villages, tellement..." Gabrielle s'interroge et se passionne et c'est cela que nous apprécions fortement dans le style du livre. Elle est d'un naturel adorable dans ses propos simples et ironiques, elle m'a souvent fait rire concernant le quotidien.

Plein de personnages se croisent tout au long de ce roman. Certains retiennent notre attention, entre autres Laurie, dite Lauripete, la voisine, et vous comprendrez pourquoi en lisant ce petit chef-d’œuvre ; Zoé, la cadette, si spontanée et qui est l'incarnation même de l'innocence, de la pureté et de la simplicité, donnant de belles leçons de réalisme aux adultes ! Et le père, si fort, si robuste mais si honnête et juste : un rocher pour sa fille.

Le personnage central : la guerre. Cette dernière y est décrite en toute simplicité, crûment parfois mais de manière tellement vraie. Tout au long du récit de Martine Pouchain, on vit le quotidien des Français quittant leur maison, leur seul repère, leur unique vie. J'étais crispée à chaque fois qu'un avion approchait. J'ai été étonnée de l'entraide pour les uns et du chacun pour soi pour les autres. Mais une seule pensée commune : allait-on mourir aujourd'hui ? Demain ? Rien n'était sûr, et pourtant la vie ne s'arrêtait pas. Telle est la force humaine : vivre coûte que coûte, malgré le danger permanent, la fatigue, la faim et la peur au ventre. Il est difficile d'imaginer que des gens aient pu accepter cela et ne pas devenir fous de désespoir, de peur ou de chagrin. Il est difficile pour des parents de faire bonne mine face aux questions des enfants !

Enfin, l'auteur dépeint avec un grand réalisme les sentiments de tous ces personnages et la guerre vue par les yeux des enfants. L'histoire d'amour passe en second plan, mais les textes cités de Jean Giono et d'Arthur Rimbaud rappellent que l'amour peut naître en toutes circonstances et questionne sur l'existence des guerres. Au final, à quoi bon ? "Je préfère vivre. Je préfère vivre et tuer la guerre [...]. Je préfère m'occuper de mon propre bonheur." (Refus d'obéissance, de Jean Giono)