Après la destruction de Boa Vista et la prise de Joao de Deus par les McKenzie, Lucasinho et Luna Corta se sont réfugiés à Twé, auprès des Asamoah, Wagner Corta travaille pour les Sun, Robson Corta est otage des McKenzie, et Ariel Corta survit difficilement en tant qu'avocate dans le Bairro Alto.
Comme chacun sait, Lucas Corta est mort, non ? Non. Comme on l'a vu à la toute fin du tome précédent, et comme on le voit dès le début de celui-ci, il a survécu, pris en charge et aidé par VTO, les Vorontsov, le quatrième Dragon, et le seul dont les activités et les loyautés ne sont pas exclusivement lunaires.
Dans ce tome, l'action alterne donc entre ce qui arrive à (et par) Lucas Corta, dans cet intervalle de dix-huit mois entre les deux tomes, et les résultats sur la Lune de l'activité de Lucas sur Terre. Disons tout de suite que j'ai un problème avec les dates qui figurent dans le texte. En effet, pour moi, il y a deux ans et demi entre le printemps 2103, et l'automne 2105. L'action lunaire devrait, selon moi, avoir lieu à l'automne 2104. En tout cas, oublions cette question de dates pour nous concentrer sur l'intrigue et les personnages.
D'abord, c'est intéressant de savoir ce qui se passe sur Terre, si peu que ce soit, puisqu'on n'avait aucune information là-dessus dans le premier tome. On en a un peu plus dans celui-ci, mais guère, ce qui s'explique du fait que la planète est vue soit par les yeux d'un étranger total (Lucas), soit par ceux de quelqu'une qui est trop occupée à survivre au quotidien pour se soucier des enjeux géopolitiques planétaires (Alexia Corta).
Ensuite, on en apprend davantage sur l'origine de la sous-culture des Loups lunaires, à laquelle appartient Wagner Corta, et sur lui, aussi, ce qui est d'autant plus bienvenu que les quelques informations distillées dans le premier tome était intrigantes. On voit aussi à quel point Lucasinho et Robson sont démolis en profondeur par ce qui leur est arrivé précédemment, et la fonction que remplissent pour eux, respectivement, la pâtisserie et les tours de carte, tandis que la force de la petite Luna devient de plus en plus apparente. Dans ce roman, d'ailleurs, encore plus que dans le précédent, on s'aperçoit combien les femmes sont fortes, et peuvent être impitoyables. Les exemples ne manquent pas, de la petite Luna elle-même à Ariel, jusqu'à ces quasi-monstres que sont Alexia Corta et Dame Sun.
A la fin, tous les personnages sont en place pour un troisième tome qui s'annonce encore plus sanglant et plein d'action que celui-ci. Le talent de l'auteur est véritablement remarquable, et l'évolution de son style, vers une plus grande clarté, le met plus encore en évidence. En effet, les ellipses narratives qui pouvaient rendre difficile d'apprécier véritablement la lecture d'un roman de Ian McDonald sont ici réduites, sans que le soit la complexité de(s) société(s) exposée(s), des personnages et de l'univers où se déploie l'action. Il est fréquent que le deuxième tome d'une trilogie en soit le "ventre mou", en quelque sorte, en se bornant à mettre en place les éléments du tome suivant. Ce n'est absolument pas le cas ici : certes, tout est "prêt pour le final" à la fin du roman, mais on ne s'est pas ennuyé une minute pendant la lecture, du fait que l'action n'a pas cessé. D'ailleurs, ce tome peut à la limite se lire seul, même si à mon sens on perd beaucoup ce faisant. En tout cas, j'attends avec la plus grande impatience de lire la suite.