Le Texas est perdu, une zone sinistrée dont les réfugiés, désespérés, essaient, pour la plupart sans succès, de s'infiltrer en Californie, ou au Nevada, là où il y a encore de l'eau, grâce aux restes du fleuve Colorado. Mais beaucoup de Texans échouent à Phoenix, Arizona. La ville survit à peine, n'en finit pas de mourir, pourrie de corruption par les narcos, l'argent chinois, et les "fivers", riches employés de grandes entreprises qui habitent Taiyang, une "arcologie", c'est-à-dire un ensemble de tours écotarciques.
A Phoenix, il y a Maria, une petite réfugiée texane, trop futée pour son propre bien, et il y a Lucy Monroe, la journaliste en colère qui veut savoir qui a tué son ami Jamie, et pourquoi. Toutes deux vont croiser la route d'Angel, le "water knife" envoyé par Catherine Case, la reine de l'eau du Nevada, pour comprendre ce qui se passe exactement à Phoenix.
Ce roman est crédible à en faire froid dans le dos. Dans la vision que l'auteur offre d'un futur non daté mais peut-être pas si lointain, le monde est redevenu petit. Petit sur le plan spatial : les États, pourtant toujours théoriquement Unis, sont redevenus étrangers l'un à l'autre. Quant au reste de la planète, on n'en entend quasiment pas parler, sauf pour une petite référence à l'Inde. Petit sur le plan temporel : il s'agit de survivre maintenant, aujourd'hui, et "après moi le déluge", si on peut dire, puisque le problème ici, c'est justement le manque d'eau. La conviction générale est qu'il est trop tard pour enrayer la catastrophe présente, et celle(s) encore pire(s) à venir, et cela induit une atmosphère délétère, très sombre, peuplée de personnages violents.
La seule règle est celle de la survie. Les relations entre les personnages obéissent aussi à cette règle, pour la plupart, et c'est ce qui fait la force et la crédibilité de ce roman, même si les personnages eux-mêmes ne sont pas d'une grande originalité. Les conditions climatiques décrites y sont également crédibles, ainsi que leurs conséquences sociales.
Dans cette espèce de guerre des gangs pour mettre la main sur des droits à l'eau, où tous les coups sont permis et où il y a un renversement d'alliance par chapitre, ou presque, l'action est à peu près incessante, et on ne s'ennuie pas une minute. Alors, bien sûr, ce n'est pas le meilleur Bacigalupi, mais c'est néanmoins un roman solide, bien écrit, et qui fera passer un bon moment.