Les années 1960 commencent et le Royaume-Uni est près d’achever sa transition vers une dictature fasciste sur le modèle allemand sous la houlette du Premier Ministre Mark Normanby. Devenu chef du Guet, la police secrète d’État, le commissaire Carmichael apaise tant bien que mal sa conscience en aidant des juifs à s’enfuir vers des contrées moins hostiles.
Rien de tout cela n’importe beaucoup à sa pupille Elvira, la fille de son adjoint décédé, qui est davantage préoccupée par sa prochaine présentation devant la reine. En décidant d’assister à un défilé de chemises noires, elle met en branle une chaîne d’événements qui va l’impliquer bien malgré elle dans les affaires politiques les plus noires du pays.
Après Le Cercle de Farthing et Hamlet au paradis, Une demi-couronne est le troisième et dernier tome de la trilogie du Subtil Changement. Les lecteurs ayant suivi les précédentes aventures de Peter Carmichael ne seront pas dépaysés par la formule désormais bien rodée de Jo Walton. C’est un thriller rondement mené, dont les chapitres alternent entre deux points de vue, celui d’un policier (toujours le même) qui s’efforce d’obéir aux ordres sans y perdre son âme, et celui d’une femme (jamais la même) dont l’innocence prend brutalement fin et qui doit lutter contre l’injustice pour sauver sa peau.
Quand bien même on s’y laisse prendre une troisième fois, la recette commence à sentir le réchauffé. Elvira Royston, Viola Lark et Lucy Kahn connaissent toutes les trois la même évolution, tandis que Carmichael reste égal à lui-même, tout juste un peu aigri par sa position.
La différence majeure repose dans le cadre du récit. L’image d’une aimable Angleterre rurale du Cercle de Farthing, avec ses cottages et ses manoirs, était déjà bien écornée dans Hamlet au paradis avec ses histoires de complot à la bombe, mais elle est désormais totalement oubliée au profit d’une Londres glaçante et totalitaire, pleine de choses cachées susceptibles de sauver l’héroïne, mais aussi de la perdre.
Sans trop en dévoiler, la fin du livre, inattendue par sa facilité, laisse assez clairement entendre qu’il n’y aura pas de tome 4, ce que confirme la postface. Même si Une demi-couronne reste une lecture plaisante, c’est sans doute une bonne chose, car rien ne dit qu’une nouvelle variation sur le même thème n’aurait pas été celle de trop.