Les Chroniques de l'Imaginaire

L'âme des horloges - Mitchell, David

Holly Sykes n'a pas été une petite fille comme les autres : elle entendait ce qu'elle appelait les "gens de la radio", c'est-à-dire des voix peu compréhensibles, jusqu'au jour où l'une, Mlle Constantin, s'est imposée. Mais cette amitié tourne court, sur un excès de zèle de Mlle Constantin, et la rencontre subséquente de Holly avec le Dr Marinus. Après cela, elle n'entendra plus de voix, et ne reverra pas Mlle Constantin avant longtemps.
Son petit frère Jacko n'est pas non plus un petit garçon comme les autres : il passe son temps à lire et dessiner des labyrinthes, ou à écouter la radio en chinois.
Mais en 1984, à quinze ans, Holly fait quelque chose d'assez commun : après une grosse dispute avec sa mère, elle fugue. Sur les bords de la Tamise, elle rencontre une étrange vieille dame, et les événements qui se déroulent ensuite sont encore plus étranges, mais elle ne s'en souviendra pas. Toutefois, pendant cet épisode, et à trente kilomètres de là, son petit frère Jacko disparaît, et ne sera jamais retrouvé.

La suite de l'histoire de Holly apparaîtra plus ou moins en arrière-plan de celle d'autres personnages : Hugo Lamb, Richard Cheesemann, Dominic Fitzsimmons, Olly Quinn, les étudiants de Cambridge, Crispin Herschey, le célèbre auteur britannique, entre autres, à différentes époques, de 1992 à 2043.

La première qualité de ce roman est son impeccable construction : l'auteur sème un certain nombres d'indices, dont il donne ensuite l'explication, l'exemple type de cela étant bien sûr le labyrinthe donné par Jacko à sa sœur avant le départ de celle-ci. Cela rend la lecture addictive, puisqu'on attend le dévoilement du mystère. Ensuite, c'est sans doute un roman ambitieux, d'une part dans son amplitude temporelle, et d'autre part dans sa dimension "trans-genre", puisqu'il utilise allègrement les codes du polar, de la littérature blanche, du roman historique, de l'anticipation et du fantastique.

Toutefois, ses "Atemporels" - deux sortes différentes de quasi-immortels, aux méthodes et aux buts divergents - apparaissent un peu trop ex nihilo pour mon goût. Par ailleurs, il m'a été impossible d'adhérer à l'histoire du "Cathare Aveugle" : de toutes les possibilités, je ne suis pas arrivée à comprendre pourquoi choisir celle-là, qui me semble à peu près impossible. En effet, pour les Cathares (qui ne s'appelaient d'ailleurs pas de cette façon, mais étaient désignés ainsi par leurs ennemis), le monde matériel, dans lequel nous sommes "condamnés" à nous incarner pour notre malheur, est sous l'emprise du principe malin, qui l'a totalement perverti. De ce fait, je ne comprends pas comment un tenant de cette foi choisirait d'y passer son éternité...

Cela dit, c'est un roman original dans l'usage qu'il fait d'éléments qui ont été utilisés par d'autres, maintes fois. Et à part en ce qui concerne la partie consacrée à l'écrivain, qui m'a paru d'une longueur décourageante, c'est un de ces "page turner" qui vous tiennent éveillés jusqu'aux petites heures. Donc, si vous aviez hésité devant le grand format, vous n'avez plus vraiment d'excuse pour ne pas en tenter la lecture.