Les Chroniques de l'Imaginaire

Les infidèles - Sylvain, Dominique

Nous sommes tous destinés à mourir à tout moment, mais la plupart d'entre nous ont la possibilité de l'oublier commodément. Ce n'est pas le cas toutefois d'Alice Kléber, qui sait avoir au cerveau un anévrisme susceptible de se rompre et de la tuer du même coup. Elle a donc organisé sa vie autour de cela : elle s'est installée dans une maison familiale en Bourgogne, dans une région magnifique, et elle a retapé et décoré la maison grâce aux revenus importants générés par le site Internet qu'elle a créé, lovalibi.com, par lequel elle fournit des alibis aux couples adultères. Elle est secondée dans cette tâche par Lucien Martel, aimée au quotidien par son chien Willy, et tout est organisé pour que sa nièce Salomé Jolain hérite de ses biens.

La jeune et talentueuse Salomé a été embauchée par TV24, dont le patron, Alexandre Le Goff, est un vieil ami d'Alice. Désireuse d'impressionner son patron, Salomé décide de faire un reportage de fond sur l'économie de l'adultère, sans en parler à sa tante, dont elle sait qu'elle ne serait pas d'accord. Et le fait est que ce n'est pas forcément sans danger, puisque la jeune femme est retrouvée morte à côté d'un "hôtel de charme" qui loue des chambres en journée aux époux infidèles.

L'enquête est confiée au commandant Barnier, qui lui-même n'a jamais trompé son épouse, mais qui est terriblement attiré néanmoins par son nouveau lieutenant.

Dominique Sylvain, lors de la présentation de son roman au Festival du Polar de St Laurent du Var (06), disait qu'elle en avait eu l'idée en découvrant sur Internet l'existence d'un site dédié à la mise sur pied d'alibis pour couples adultères. Mais si on retrouve un site comparable au centre de l'intrigue, le roman est également consacré à la tromperie sous toutes ses formes, y compris les histoires fausses que l'on se raconte à soi-même.

Cette réflexion reste toutefois en arrière-plan, aux bons soins du lecteur, qui peut tout à fait l'ignorer et jouir en paix d'une intrigue policière bien ficelée et de personnages crédibles et cohérents. Aucun d'entre eux n'est monochrome, et les découvertes de l'enquête à propos de la lumineuse Salomé en sont sans doute le meilleur exemple.

L'évolution du psychopathe est également très bien maîtrisée, tant dans la longueur de ses interventions, que dans leur titre. Le responsable de l'enquête est un nouveau venu dans l'univers de l'auteure, et je l'ai trouvé attendrissant dans ses hésitations face à son sulfureux lieutenant, à propos duquel, par parenthèse, je me suis interrogée sur un possible clin d'oeil à la série Lucifer. J'aimerais bien connaître la suite de leur histoire, mais j'en ai peu d'espoir, l'auteure m'ayant confié combien elle trouvait agréable, et plus confortable, de créer de nouveaux personnages d'enquêteurs plutôt que de s'astreindre à maintenir la cohérence de l'histoire des protagonistes récurrents.

Le déplacement d'une partie de l'action et des personnages dans la patrie de Colette (à laquelle le nom du chien fait discrètement allusion) apporte un contraste fort avec les aspects sordides de la vie dans une grande ville, mais rappelle que la vie actuelle, avec ses dangers, n'offre aucun abri sûr, à quiconque.

En somme, le dernier roman paru de cette auteure talentueuse est plus que digne de ses prédécesseurs, et il est parfaitement d'actualité, étant donné la fréquence des amours de vacances...