Une commission sénatoriale américaine s'envole pour un tour du monde. Serait-ce des vacances aux frais des contribuables ? Pas vraiment. Les sénateurs Hartmann et Lyons, accompagnés des as emblématiques du pays de la liberté, des jokers influents et d'une équipe journalistes, vont rencontrer les pouvoirs politiques et civils de toute une série de pays pour discuter wild cards, maladie et traitement/incorporation des as et des jokers parmi les populations locales.
Le premier arrêt est Haïti.
Après un imposant tome bien lié et presque continu malgré les différentes plumes, ce quatrième épisode de Wild cards retrouve son aspect de recueil de nouvelles écrites autour d'une trame générale. Le voyage autour du monde est l'opportunité pour chacun des auteurs participants de présenter un pays, une histoire ou une culture qui lui tient à cœur. On démarre le grand tour par les Caraïbes, on poursuit en Amérique latine avant de passer à l'Afrique puis à l'Inde et à l'Extrême Orient avant de remonter vers l'Europe et la Russie.
En tout, nous avons une dizaine de récits, ainsi que deux enrobants en plusieurs parties vraiment bien foutus et prenants : La couleur de la haine de Leigh et les extraits du journal du joker à trompe patron de boîte de nuit, Desmond Xavier, écrits par Martin.
Si le livre commence pas mal avec une aventure à Haïti à l'ambiance vaudou (vous sentez les clichés qui arrivent ?) tirée d'un vieux James Bond, on se retrouve vite avec des histoires écrites autour de nouveaux personnages (as ou jokers) pas assez développés qui baignent dans les archétypes de chaque pays.
Après le vaudou, nous avons des rebelles communistes mayas au Guatemala dans Le droit du sang de Harper (deux frères entrent dans la rébellion). Cette nouvelle concentre et sublime les deux défauts récurrents de cet opus de Wild cards : un rythme raté et des personnages dont vous n'avez rien à faire, ainsi que des clichés plus ou moins bien amenés, une pudeur ridicule et une atmosphère géopolitique datée.
Ensuite on passe au Pérou avec un troll, des papillons et du trafic de drogue (Verrues et compagnie de Murphy), aventure beaucoup trop longue où il ne se passe presque rien hormis un début de relation sexuelle bizarre, avant de finir les deux dernières tranches de La Couleur de la haine au Proche-Orient où Leigh, bien que peu original et pas franchement efficace sur sa fin, développe fort à propos la relation entre le sénateur Hartmann et la reporter Morgenstern. Puis on s'envole pour l'Égypte (Au long du Nil de Gerstner-Miller) qui souffre du même problème que le Guatemala, on fait un bond dans la jungle sri-lankaise à la poursuite d'un grand singe (La larme de l'Inde de Simons), un texte amusant mais brouillon dans sa construction, ensuite dans l'outback australien avec Bryant et son Dans le temps du rêve à l'atmosphère poisseuse réussie.
L'histoire suivante se passe au Japon où l'on retrouve une vieille connaissance, Fortunato, dans Heure zéro de Shiner. Ce court texte est un concentré de bonnes choses. Les personnages sont connus et appréciés (Fortunato et Hiram), le Japon est bien présenté et le rythme est soutenu jusqu'à une fin réussie. Il est clairement dommage que tous les textes de cet Aces abroad ne soient pas de ce niveau.
Si C'est toujours le printemps à Prague de Vaughn, présente un nouveau personnage potentiellement très sympa, Lady Black, le rythme du récit aurait dû être plus rapide pour amener une quelconque tension malgré un lancement laissant présager du meilleur.
On reste dans les environs pour les Marionnettes de Milan, qui se déroule à Berlin. Greg Hartmann est kidnappé (allez, soyez indulgents, malgré son équipe de sécurité, les meilleurs as américains). Le petit bonhomme dans sa tête travaille dur pour le sortir de là. L'histoire est plaisante et amusante.
Enfin, Légendes de Cassutt (les as soviétiques sont intrigants) et Le miroir des âmes de Snodgrass préparent le futur de la série Wild cards mais font que Aces abroad se termine en demi-teinte.
Après sa lecture, Wild cards 4 me laisse une impression mitigée. Il y a quelques bons textes parmi l'ensemble et de potentiels nouveaux antagonistes. Les autres seront très vite oubliés. Je vois bien que Martin a posé quelques instructions pour ce tour du monde. La principale est, probablement, comment se comportent les populations du tiers-monde face au virus wild cards (la meilleure exportation US de 1946) et comment sont traités les as et les jokers dans ces pays ? Les meilleurs récits de ce tome sont ceux qui parlent d'autre chose car on a vite fait le tour de ce sujet, d'autant que la réponse est presque toujours identique.
Ce n'est pas une excuse mais n'oubliez pas, toutefois, que l'écriture de Aces abroad date de la fin des années quatre-vingt.
Bref, cette tournée mondiale manque de charme, manque de force, manque de fougue, manque d'originalité, manque de dépaysement. Néanmoins, si quelques nouvelles sont réussies sur toute la ligne, aucun des textes, fondamentalement pulp, n'est pénible à lire et ils sont suffisamment courts pour passer rapidement au suivant.