Les Chroniques de l'Imaginaire

Le 33e mariage de Donia Nour - Ilmi, Hazem

Un jour, Ostaz Mokhtar, professeur de philosophie provocateur à l'université du Caire, disparaît. Ses quelques amis et voisins le croient mort. Il est vrai que la réalité est beaucoup moins vraisemblable : il a été enlevé par les Ilmanis, des extraterrestres qui, pour lutter contre l'ennui, surveillent l'évolution des sociétés humaines. En  leur compagnie, il va visiter une bonne partie de l'univers connu, mais il ne cessera jamais de regretter le koshari, une spécialité culinaire égyptienne qui lui manque cruellement. Ses compagnons finissent par lui dire qu'ils vont le ramener chez lui. Ils n'insistent sans doute pas assez sur le fait que plus d'un siècle a passé, et qu'Ostaz va découvrir une société égyptienne qui a radicalement changé par rapport à son époque de naissance.

En 2048, la Grande Égypte est régie par le Nizam, une sorte d'organisation théocratique. La religion imprègne chaque instant de la vie, et des Points, Bons ou Mauvais, sont attribués à chacun en fonction de son assiduité à la prière. Les femmes en particulier sont astreintes à prier afin de se purifier de leurs mauvais penchants naturels. Donia Nour est à la fois belle et intelligente, combinaison dans le meilleur des cas difficile, mais qui dans le contexte du Nizam se révèle désastreux. Obsédée par l'idée de quitter ce pays fermé sur lui-même, qui fait tout son possible pour tenir à l'écart le monde extérieur, elle a l'idée de vendre sa virginité jusqu'à accumuler le kilo d'or qui servira à payer le passeur vers la liberté. Bien sûr, après chaque mariage, elle se fait refaire un hymen tout neuf. Malheureusement, son 33e mari, un homme très important, et méfiant, découvre son imposture, et son destin bascule.

La rencontre de ces deux personnages va changer, sinon le monde, du moins l’Égypte.

Voilà un très bon roman de science-fiction, qui suffirait à démontrer, s'il en était besoin, que le genre ne se borne pas au sous-genre de la hard science. Les extraterrestres sont clairement un artifice de l'auteur, qui leur fait jouer le rôle de bons anges, voire de deus ex machina. Rien ne permet de les prendre au sérieux, depuis leur sensibilité à la chatouille jusqu'à leur difficulté à comprendre véritablement les humains. En fait, ce que ce roman évoque le plus, c'est un conte philosophique voltairien.

C'est également une satire à la fois drôle et féroce contre le fondamentalisme religieux. Ici, c'est l'Islam qui est visé, mais toute dérive fondamentaliste de toute religion est concernée par la charge. Bien sûr, on pourra dire que l'auteur grossit le trait à plaisir, mais c'est une caractéristique même de la satire. Le style est vif, c'est souvent drôle, et si les personnages, notamment les oligarques, sont caricaturaux, c'est encore une marque du genre. On ne peut pas dire qu'il y ait des surprises, ou des rebondissements totalement inattendus, mais pour un premier roman ce n'en est pas moins très réussi. Le nom - pseudonymique, et on comprend facilement pourquoi à la lecture ! - de l'auteur est à retenir. Pour ma part, je suis curieuse de savoir ce qu'il écrira après cette étrangeté littéraire en forme de bol d'air frais en provenance du désert.