Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Reich de la Lune - Sinisalo, Johanna

Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, certains chefs nazis ont survécu, et se sont réfugiés en Antarctique, en y emportant le cadavre embaumé d'Hitler. Mais leur destination finale était beaucoup plus lointaine : la face cachée de la Lune, où une citée enfouie sous le sol, construite en secret, les attendait. Et des dizaines d'années plus tard, ils y sont toujours, ayant développé une technologie qui leur a permis d'éviter d'être découvert par les engins, habités ou non, lancés par le reste du monde. Et ils n'ont pas oublié que la Terre est leur héritage, et qu'elle est destinée à leur appartenir. Aussi s'y préparent-ils.
Quand un vaisseau spatial habité américain se pose sur la Lune, en 2017, il est détruit et un membre de l'équipage, James Washington, est capturé. Cela permet aux scientifiques nazis de se rendre compte qu'ils auraient bien besoin de la puissance de calcul d'un simple smartphone pour finir de réaliser le Götterdämmerung, l'arme ultime, le vaisseau destiné à bombarder la Terre. Aussi l'ambitieux Klaus Adler est-il envoyé sur la Terre pour se procurer de tels produits, avec James Washington pour lui servir de guide et de source d'information, la "machine à aryaniser" développée par Herr Doktor Richter, et - mais il l'ignore - sa fiancée, Renate Richter.

Entre théorie du complot et conte philosophique, ce roman original renoue avec une vieille tradition de science-fiction satirique et provocante, dans la lignée d'un Fredric Brown. Après un début un peu lent, l'histoire s'accélère et devient beaucoup plus prenante, surtout à partir du moment de l'arrivée de James sur la Lune, puis de celle d'Adler et Renate sur la Terre. C'est cette dernière qui raconte ses souvenirs, sous la forme d'un journal intime dans lequel elle inclut des documents antérieurs, soit qu'elle aurait écrits, soit des articles de journaux. On voit donc par ses yeux, d'une part l'efficacité de la propagande de la société dans laquelle elle a grandi, et que bien sûr elle juge parfaite, et tout à fait rationnelle, et d'autre part les travers de notre propre société de consommation. C'est le regard du Candide de Voltaire, toutes proportions gardées, et c'est bien fait, et souvent drôle. A titre d'exemple représentatif, j'ai bien aimé "Les produits dont les Terriens semblent dépendre le plus gravement étaient deux liquides noirs à l'odeur nauséabonde - le café et le pétrole."

Dans sa postface, l'auteure précise que même si l'idée de départ est celle qui réside à la base du film Iron Sky, le roman est une œuvre originale, développée indépendamment du film.