La péninsule de la Lune d'Or est enfin aux mains des soldats et colons du Coronado, et porte à présent le nom de Nouveau-Coronado, avec Philomé Dolémont comme vice-roi. Tout irait pour le mieux si cette conquête avait répondu aux espoirs mis en elle, mais malheureusement il n'y a ni or ni autres richesses dans les cours d'eau ni dans le sol, trop pauvre même pour nourrir ses habitants. D'ailleurs, le roi Philippe semble se désintéresser totalement de sa colonie lointaine.
Jusqu'au jour où arrivent en même temps deux surprises : Artemis Cortellan, un mercenaire cousin du roi, avec sa troupe de trois cents hommes ; et une proposition de mariage de l'Empire du Léopard. Cet état mystérieux et puissant, enclos dans ses montagnes, a toujours refusé jusque là tout rapport avec les envahisseurs, et la proposition de l'Empereur de donner au vice-roi la main de sa fille est encore plus stupéfiante. Même si le colonel Cérès Orkatz se méfie, elle ne peut que tomber d'accord avec le vice-roi que c'est là une proposition impossible à refuser.
Avec ce roman, l'auteur a réussi à créer un monde crédible, habité par des personnages cohérents, qui ont une vraie épaisseur. Bien sûr, on peut citer principalement "le colonel", Cérès Orkatz, alias la Salamandre, mais aussi Camellia ou évidemment Artemis Cortellan, dans les premiers rôles, mais les personnages secondaires sont tout aussi soignés, tels Jolyon ou Alario, par exemple. Il n'y a aucun manichéisme, et le personnage de Philomé Dolémont est particulièrement réussi, ce qui n'était pas si facile, avec son mélange si humain de faiblesse, de sensibilité, et de courage. Les différentes ambiances où se déroule le récit sont toutes bien documentées et décrites, qu'il s'agisse de la jungle ou des montagnes, avec leurs végétaux et les animaux qui y vivent.
Bien sûr, il est inévitable de penser au Yucatan à propos de la Lune d'Or, et plus généralement à la conquête de l'Amérique du Sud par les Espagnols. Le prologue joue d'ailleurs sur les possibilités d'assimilation d'Orkatz à Cortès. Mais clairement, Camellia n'est pas La Malinche, et le roman se déroule dans un XIXe siècle alternatif, où ce sont des steamers qui font la traversée entre l'Ancien et le Nouveau Monde, et où les indigènes se révoltent contre le tracé d'une voie de chemin de fer. Ce décalage entre cette histoire et l'Histoire est suffisamment léger et suffisamment marqué à la fois pour être très plaisant et très réussi.
Le seul léger bémol que j'y mettrais est que j'ai trouvé injustifiée l'arrivée de l'infante, et en règle générale la fin un peu rapide, mais cela ne m'a pas empêchée de prendre un grand plaisir à ce roman, dont je recommande la lecture : c'est de la bonne fantasy, imaginative comme on aimerait en lire souvent, et sous la plume d'un auteur francophone, de surcroît.