Les Chroniques de l'Imaginaire

Tu n'auras pas peur - Moatti, Michel

Lynn Dunsday, 31 ans et célibataire endurcie, est journaliste pour le Bumper, un journal web en quête de buzz. Si ses collègues se penchent sur les Youtubeuses à la mode ou les scandales politiques, la spécialité de Lynn est bien plus glauque : les faits divers violents, les meurtres, les carnages. 

Toutes ces histoires sanglantes la laissent de moins en moins indifférente et Lynn en est précisément à l’heure d’un bilan sur sa vie personnelle lorsqu’une nouvelle affaire se profile. Un homme vient d’être retrouvé mort dans un lac londonien, à demi congelé et attaché à un siège d’avion. 

Sur les lieux du crime, elle retrouve Trevor Sugden, journaliste papier à l’ancienne de trente ans son aîné. Tous deux vont être aux premières loges pour dévoiler la vérité sur ce qui s’annonce être une série de meurtres tous plus sordides les uns que les autres.

Les deux protagonistes Lynn et Trevor sont des représentations intéressantes du journalisme actuel, partagé entre la nécessité d’alimenter le flux constant d’information sur Internet pour exister et celle de délivrer une information de qualité, sans surenchérir dans le sensationnalisme. Au cours de l’enquête, Lynn et Trevor vont être amenés à prendre position sur ces questions et notamment à réfléchir sur leur propre rôle dans les crimes. En effet, la communication autour d’un crime, la reproduction d’une vidéo violente, sont parfois perçues comme des prolongements de l’acte criminel parce qu’ils sont susceptibles de traumatiser le grand public, ce qui peut être ce que recherche le criminel.

Le meurtrier de ce roman est justement en quête de notoriété. Il scénarise ses forfaits de manière à récolter le plus de « vues », à être le plus relayé et à avoir le plus d’impact possible. Je suis heureuse à ce titre que lesdits crimes ne soient pas trop nombreux car leur cruauté est perturbante.

Michel Moatti joue en outre sur des références à des faits criminels réels, qui confèrent une réelle crédibilité à son histoire et en font toute la force. L’ancrage dans le réel se prolonge par l’évocation de lieux existant réellement en Angleterre, le tout sur fond de Brexit, de réflexion sur les attentats et les sites pirates. Au final, le roman fourmille d’une telle dose de détails qu’il pourrait s’agir du récit d’une histoire vraie.

Plus habituée aux romans policiers traditionnels de type whodunit, je m’attendais à devoir découvrir moi-même le tueur, ce qui n’est pas le cas. Passé cette déconvenue de néophyte, j’ai été happée par le rythme de l’enquête, ponctuée des articles de Trevor et de Lynn et, pour le cas de cette dernière, de leurs « mises à jour ». Le style d’écriture de l’auteur est en parfaite cohérence avec son récit : précis et rapide.

Michel Moatti signe ici un polar efficace, ancré dans l’actualité.