Les Chroniques de l'Imaginaire

Nos coeurs réparés - Salmon-Fernet, Mathilde

Je croise Augustin à la machine à café tous les jours à mon travail. Je savais qu'il avait traversé plusieurs mois difficiles en 2015. Nous nous étions d'ailleurs inquiétées de ne plus le voir au quotidien. Et nous avions appris la nouvelle : La cardiopathie de sa petite fille.

Nous croisons tous les jours des personnes que nous pensons connaître. Quand on dit à ses employés : "tes problèmes personnels, tu les laisses à la porte du boulot, et tu les reprends sur ton dos quand tu pars à la fin de ta journée", on est loin de s'imaginer quel fardeau peuvent endosser certaines personnes. Comment peut-on continuer à travailler en traversant une telle tranche de vie, de tristesse, de peurs, d'angoisse, et d'attente ? Mathilde Salmont-Fernet, l'épouse d'Augustin, a écrit ce livre. C'est le témoignage de toute une petite famille qui ne demande qu'à être heureuse, d'un couple qui traverse cette tempête et qui s'accroche malgré les péripéties.

Mathilde et Augustin ont déjà un petit garçon prénommé Adrien. Ils attendent leur second enfant quand ils apprennent la mauvaise nouvelle : une cardiopathie, anomalie cardiaque qui peut s'opérer à la naissance si le cœur le permet. La naissance de Valentine est prévue pour octobre mais ce ne sera pas le cas, car elle naîtra forcément prématurée, si la grossesse et l'accouchement se passent bien. Mathilde nous raconte toute cette tranche de vie depuis que Valentine est dans son ventre jusqu'aux un an de son petit trésor.

Je ne résumerai pas dans cette chronique les consultations pré-natales au CHU de Lille, de celles de l'hôpital Necker à Paris, l'accouchement, l'opération, le suivi en réanimation, les hauts et les bas, car raccourcir tous ces moments de vie difficiles ne conviendrait pas à de tels faits. Tout ce vocabulaire médical est déjà bien lourd pendant la lecture, alors j'imagine le désarroi des parents face aux blouses blanches. J'ai pleuré, j'ai espéré, j'ai croisé les doigts en même temps que ce petit cocon familial si fragile et si déchiré. J'ai été impressionnée par cette force qui jaillit de nulle part, avec laquelle Mathilde combat tous ces instants douteux. Ils ne savent pas, ils soupçonnent, ils courent après les informations, ils sont ballottés de docteur en docteur, ils veulent simplement savoir où ils vont, connaître ce futur si proche et si incertain. Et le personnage principal dans toute cette histoire : Valentine. Quelle leçon de vie elle nous donne !

Dans leur malheur, ils ont de la chance, tous ces petits plus auxquels Mathilde se raccroche et qui pour elle sont tout de même bien positifs face à la cardiopathie de Valentine : L'accueil hospitalier, les lieux infantilisés, le prêt d'un appartement pour vivre à Paris pendant deux mois, la présence de leur ange gardien à Necker, les correspondances par e-mail ou par texto, les rencontres inattendues apportant des témoignages qui ressemblent à ce qu'il traversent, les soutiens familiaux - parents et beaux-parents -, les prières, la chance d'être en France et de ne pas payer les sommes astronomiques d'une hospitalisation si longue et si compliquée, enfin le cahier de vie écrit par les infirmières proches de Valentine.

Mathilde et Augustin font face, ils le doivent, quels choix ont-ils ? Et puis, il y a Adrien, il ne faut pas l'oublier ce bout'd'chou. Il faut l'entourer, le choyer ; il réagira forcément, comme Mathilde qui s'épuisera à force d'avoir combattu, comme Augustin soutenant sa femme, entourant plus que tout d'affection son fils tout en continuant à travailler.

Quand nos petites vies bien tranquilles ne sont pas fragilisées par de tels moments de douleurs, on ne s'imagine pas ce que peuvent vivre d'autres familles. De tels témoignages nous ramènent à la réalité, et l'association Petit cœur de beurre nous rappelle qu'un enfant sur cent naît avec une cardiopathie congénitale. Soutenons-les.