A son retour sur la station Athoek, Breq découvre la personne auprès de qui la capitaine Hetnys avait acquis son très ancien service à thé : il s'agit d'un ancillaire d'un très ancien Vaisseau, Sphène, porté disparu. Elle entre également en conflit plus ou moins larvé avec la gouverneur et l'Eminence Ifiane, qui souhaitent déporter sur la planète les anciens occupants du Sous-Jardin. Et un nouveau vaisseau presger arrive, avec une nouvelle traducteur, Zéiat, à qui Breq se charge d'apprendre la mort accidentelle de Dlique. Pendant ce temps, une sorte de manifestation / sit in est organisée d'une part par les prêtres et d'autre part par ceux qui veulent retourner dans le Sous-Jardin. Mais comme le procès de Queter commence sur la planète, Breq y va, accompagnée, sur la demande de celle-ci, par Zéiat.
Toutefois, sur l'annonce que des Vaisseaux militaires non identifiés sont arrivés dans l'espace proche, elle regagne le Miséricorde de Kalr, non sans avoir ordonné à Tisarwath d'empêcher tout accès à Station, avec l'accord de ce dernier, bien sûr. L'Epée d'Atagaris accepte la même chose ainsi que, de façon moins surprenante, le Miséricorde de Kalr. Et c'est aussi bien, car l'Anaander Mianaaï qui vient de prendre le contrôle d'une zone voisine débarque sur la station peu après. Son indifférence à la vie humaine et son arrogance lui mettent à dos instantanément tous les occupants, humains ou non, de la station, sans même qu'elle donne l'impression de s'en apercevoir. Et elle ne sait pas non plus combien Breq a changé depuis leur dernière rencontre, à bord du Justice de Toren.
Ce troisième roman est une parfaite conclusion pour une trilogie palpitante de bout en bout. Les I.A. apparaissent de plus en plus, en tant que telles, sur le devant de la scène, et on ne peut qu'admirer la façon dont l'auteure a mené ce dévoilement progressif tout au long de ces trois tomes. Bien sûr, cela s'accompagne des questions sur les rapports entre humains et I.A., c'est-à-dire entre le créateur et ses créatures, et sur la définition de ce que c'est qu'être humain ou, comme le disent les presgers, "une espèce significative". En même temps que les I.A. prennent, si j'ose dire, plus de corps, les personnages humains s'humanisent davantage, notamment Seivarden, qui dans ce tome en arrive, enfin, à mieux comprendre comment elle peut blesser les autres sans même s'en apercevoir.
Il ne faudrait pas croire pour autant qu'il s'agit là d'un roman "intimiste". En effet, même si les relations inter-personnelles, et la politique, y occupent une place importante, les amateurs de combat spatiaux auront leur dose eux aussi, Breq trouvant une façon fort originale de détruire des vaisseaux armés en étant à bord d'un vaisseau qui ne l'est pas.
En somme, Ann Leckie confirme avec ce troisième tome avoir fait un sans-faute, et sa trilogie est certainement l'une des œuvres les plus riches que j'aie pu lire dans le genre ces dernières années.