Les Chroniques de l'Imaginaire

Le livre d'Ygrenne (Salicorne - 1) - Berr, Françoise

Voilà trois cent ans que Salicorne, une planète sans importance de la constellation d'Andromède, a été conquise par les Ashantis. Les redoutables félins mutants ont réduit en esclavage la population humaine, qu'ils ne traitent pas mieux que du bétail. Il n'y reste rien de la civilisation humaine prospère qui existait avant l'annexion, hormis quelques légendes.
Pourtant, l'histoire de Salicorne intéresse encore quelqu'un : Akkaat, une Ashanti de haut rang dont le passe-temps est de redécouvrir le passé de la planète. Justement, elle vient de mettre la main sur un ouvrage qui évoque les reines humaines d'antan, représentées en compagnie de licornes. Ces créatures fabuleuses fascinent immédiatement Ygrenne, la jeune esclave humaine qui assiste Akkaat dans ses recherches. Est-il possible de retrouver les mythiques licornes ? de renouer le Lien qui alliait leurs races jadis, pour sauver la planète que les Ashantis détruisent peu à peu par leur exploitation abusive ?

Le livre d'Ygrenne ouvre ce qui va devenir une trilogie de science-fantasy : on y trouve les éléments classiques de fantasy (quête initiatique, prophétie, créatures légendaires), mais dans un contexte science-fiction puisque nous sommes sur une planète lointaine colonisée par des humains puis par des extraterrestres, dans un temps où les voyages spatiaux font partie du quotidien. Françoise Berr a combiné tout cela pour nous proposer une histoire plutôt plaisante.
On suit plusieurs personnages, ce qui permet de multiplier les points de vue pour mieux appréhender la situation globale. Le récit se concentre cependant sur deux d'entre eux. Il y a bien sûr Ygrenne : à dix-neuf ans, la jeune humaine tombe de haut quand elle se voit révéler les secrets qui l'entourent, elle devra se montrer forte et faire des choix pour assurer l'avenir des siens. Bref, c'est une héroïne de fantasy assez classique, et je lui ai nettement préféré une autre protagoniste qui pour moi lui vole la vedette : Akkaat l'Ashanti, qui commence à dépasser les préjugés de sa race et à se rendre compte que les humains sont plus intéressants qu'il ne pouvait sembler. Il faut dire que les Ashantis forment une race assez imbue de sa supériorité : les vaincus comptent pour rien, puisqu'ils ont été trop faibles pour résister... Les Ashantis sont impulsifs et violents, et du coup hautement dangereux. Akkaat n'est pas très représentative de sa race, elle va souvent à contre-courant et a une certaine ouverture d'esprit qui la rend sympathique. Sa propre aventure va l'entraîner dans un complot politique qui pourrait causer de grands bouleversements parmi son peuple.
Il y a du potentiel, mais je suis un peu restée sur ma faim. J'ai eu l'impression de survoler les événements, tout se déroule beaucoup trop facilement et finalement la tension est absente malgré les rebondissements pourtant souvent dangereux. D'autant que, si la deuxième moitié de l'ouvrage enchaîne les moments d'action, ce n'est pas le cas de la première partie, platement noyée dans de trop longues explications sur l'univers. Je reste persuadée que ces éclaircissements auraient pu être mieux intégrés au récit à mesure, y compris les pages explicatives avant le début du roman proprement dit.

Il me faut maintenant relever certains défauts qui ont un peu alourdi ma lecture. D'abord, malgré l'effort visible de langage et l'absence de fautes d'orthographe, il y a de nombreuses petite fautes : de grammaire (participe passé au lieu d'un infinitif, etc.), de ponctuation (ah, ces virgules baladeuses...), de tournures. Rien de franchement insupportable, mais trois fautes dès les trois premières pages, ça donne le ton.
Il y a aussi des petits couacs dans la cohérence globale. Par exemple, dans les précisions géographiques en début d'ouvrage, il est indiqué que la garnison Dho' se trouve à l'est de l'île de Tirfo Thuin ; sauf que sur le plan, elle est nettement dessinée au sud ouest. On nous dit que les Ashantis n'ont pas de religion et ne révèrent aucun dieu, du coup on tique un peu quand un Ashanti s'exprime en disant "n’est-ce pas le plus mauvais tour que les dieux puissent lui réserver ? Quelle ironie de leur part, n’est-ce pas ?"... Et pourquoi toutes les licornes ont-elles des noms issus de la mythologie grecque ? On aurait encore pu comprendre des noms celtiques, inspirés par le fait de côtoyer pendant des siècles des humains de cette origine, mais là cela me choque.
Enfin, mais là c'est vraiment du détail, le format numérique Epub ne semble pas totalement maîtrisé : Les entêtes de chapitres sont sommairement formatés (on apprécierait une meilleure présentation des citations et des lignes de séparation) ; certaines pages sont simplement scannées sous forme d'image (page de garde, remerciements, présentation de l'auteur) ; pour finir, des numéros de chapitres dans la table des matières auraient été bienvenus.

Bref, c'est un roman qui peut faire passer un bon moment de lecture, mais qui aurait gagné à être encore un peu retravaillé. Espérons qu'avec l'expérience acquise l'autrice pourra gommer ces défauts de jeunesse.