Les Chroniques de l'Imaginaire

Midi-Minuit - Headline, Doug & Semerano, Massimo

Le cinéma est un art à part entière, avec toute son histoire, sa beauté, et des ramifications complexes. Le cinéma n'est pas fait que de blockbusters hollywoodiens ou de petits films français. C'est un art international et, s'il est un pays dont les productions ont eu de nombreux aficionados dans les cinémas de quartiers parisiens, c'est bien de l'Italie dont il s'agit. On ne compte plus les génies du cinéma italien, comme Sergio Leone ou encore Dario Argento. Et pour quelques noms connus du grand public, on en compte souvent des dizaines qui sont restés dans l'ombre.

Justement, François Renard et Godzy sont de grands amateurs de cinéma italien, qui ne manqueraient pour rien au monde les projections faites au Brady, un des derniers cinémas de quartier parisien ayant survécu. Les deux fans sont surexcités, car ils viennent de décrocher un rendez-vous avec Marco Corvo, un réalisateur italien qui a fait plusieurs films, mais qui est tombé dans l'oubli depuis deux décennies. Corvo en a sans doute eu assez d'être massacré par les critiques des journaux italiens à chacun de ses films, et il s'est retranché autour de Bologne, n'acceptant depuis aucune demande d'interview.

C'est ainsi sans doute le fait qu'ils ne soient pas italiens qui a permis à François et Godzy de décrocher ce fameux rendez-vous, qui est déjà historique et culte pour les deux fans du maître italien. François et Godzy logeront chez Dino, grâce à qui ils ont pu justement décrocher l'interview. Cette dernière aura lieu le lendemain, et les trois amis se mettent à évoquer l’œuvre de Corvo, tout en se rappelant de Luisa Diamanti, une actrice qui a tourné grâce à Corvo, et qui a mystérieusement disparu. Peut-être d'ailleurs est-ce cette disparition qui a provoqué l'arrêt de la carrière de Corvo ?

Et la rencontre a lieu. François et Godzy sont comme des enfants devant Corvo. L'homme est taciturne, et beaucoup de règles, prononcées par sa gouvernante, sont à respecter pour que l'interview se passe bien. Parmi ces règles, l'obligation de ne surtout pas évoquer le nom de Luisa Diamanti. Les années ont passé, mais la blessure est toujours aussi vive pour Corvo. Et alors que l'interview se déroule sur plusieurs jours, ce sont les anciens critiques de Corvo qui sont assassinés, les uns après les autres...

Doug Headline (au scénario) et Massimo Semerano (au dessin et à la couleur) ajoutent avec ce Midi-Minuit une belle pierre à l'édifice, déjà bien solide, de la collection Aire Libre de Dupuis. Le livre paraît tout de suite original, avec ces amoureux de cinéma italien, qui ont eu à aller jusque dans les cinémas de films classés X pour pouvoir continuer à voir leurs films. Le livre est un hymne au polar et au cinéma italien des années 60 et 70, et cela se ressent dès les premières planches.

Les personnages de François et, surtout, de Godzy sont immédiatement attachants. Nous sommes en compagnie de passionnés, et il est vraiment sympathique d'assister à leur rencontre avec Corvo. Une rencontre qui se passe d'ailleurs très mal au demeurant, mais qui pourra, heureusement, se poursuivre au fil des pages. Les auteurs imaginent aussi une enquête policière autour de ce petit monde, entre une actrice à succès qui a disparu il y a vingt ans, et des chroniqueurs qui disparaissent, un à un, sauvagement assassinés par un mystérieux tueur que l'on ne peut que croiser par ailleurs, sans franchement se douter de qui cela peut s'agir...

Les dessins sont à l'avenant : c'est beau, haché, et entrecoupé de véritables photos issues de films du cinéma italien. L'ensemble est convaincant, et la lisibilité reste parfaite, pour suivre ces interviews, cette biographie finalement, et ce polar à suspense. Le tout se mêle naturellement et reste d'une grande fluidité, ce qui constitue le véritable tour de force pour nous donner ce très beau one-shot.

A lire absolument, surtout si vous êtes cinéphile et fan de polars !