Les Chroniques de l'Imaginaire

La neige et l'acier (Dreams Factory - 1) - Hamon, Jérôme & Zako, Suheb

Nous sommes à Londres, en plein hiver de l'année 1892, au sein d'une cité ouvrière. Les éléments se déchaînent et le froid est particulièrement mordant, très tôt dans la matinée. Mais cela n'empêche pas Indira d'être réveillée par ses parents, alors que toute la famille, et notamment le petit frère Eliott, dort encore. Indira est encore bien jeune, mais la survie de sa famille pèse déjà sur ses épaules. Et déjà, Indira se rend, comme tous les jours, à la mine, histoire de gagner quelques pièces...

Pourtant, Indira est non seulement très jeune, encore une enfant, mais elle commence déjà à tousser. Et il est à craindre que la silicose commence déjà à s'emparer, de façon pernicieuse et inexorable, de ce jeune corps. Mais qu'est donc cette souffrance devant le plaisir, pour Indira, de voir le sourire illuminer le visage de son jeune frère, lorsqu'elle peut lui offrir quelques dattes grâce à ce dur labeur ?

Pourtant, les choses sont sur le point de changer, lorsqu'un matin, Indira est incapable de se lever pour aller travailler. Et c'est Eliott qui a pris le relais, se rendant à la mine malgré une taille ridicule. Une taille qui le fait sortir du lot, justement le jour où la très riche Cathleen Sachs, propriétaire des mines, vient rendre visite à ses travailleurs. Cathleen décide de proposer un travail à Eliott, dans une fabrique de jouets. Les yeux de l'enfant brillent, et il ne sait pas encore que nul ne revoit jamais les enfants à qui Cathleen Sachs propose ce travail...

Eliott ne fait pas exception à la règle : il a bel et bien disparu, et Indira devra maintenant tout faire pour le retrouver, et ce même s'il faudra affronter les Sachs en personne. Et Dieu sait s'ils sont bien protégés, eux qui font travailler tout le quartier...

C'est Jérôme Hamon qui scénarise cette histoire à mi-chemin entre Oliver Twist, Hansel et Gretel et La Cité des enfants perdus. Le scénariste du très beau Nils imagine encore un univers très froid et très sombre, où les rayons de lumières semblent venir de petits jouets mécaniques qui donnent une ambiance délicieusement steampunk à ces pages. Les enfants doivent travailler dans cette série, ce qui les rend bien entendu immédiatement attachants, tant ce qui leur arrive, initialement, est déjà terrible.

Et les dessins et couleurs de, respectivement, Suheb Zako et Lena Sayaphoum, font tout pour donner corps à cette histoire. Les décors sont superbes, les personnages ont une personnalité graphique qui est plus qu'appréciable, et l'ensemble s'apprécie, quelle que soit la planche. Les décors hivernaux sont omniprésents : l'hiver est ici presque un personnage à part entière. Le bleu a une importance considérable dans cette série, comme cela était déjà le cas dans la série Nils, du même scénariste.

Le récit est maîtrisé dans ce premier tome qui paraît dans la très jolie collection Métamorphose des éditions Soleil. Ce premier tome de Dreams Factory, très froid, est une franche réussite, aussi bien graphique que scénaristique. Il nous tarde de découvrir le second tome, qui, on l'espère, constituera une fin mémorable pour ce qui sera un diptyque.