Le monde de Stelhenia est un carrefour naturel où se croisent les différentes races appartenant à la confédération des Trois Marches : Terriens de souche qui ont fui la Terre voilà plusieurs générations, humanoïdes, mutants. C'est là qu'a grandi Kathleen Mârychl. La jeune femme sa passionne pour son métier de médiatrice, mais également pour ses activités annexes de biologiste. Elle rêve de découvrir le secret des mutations, notamment celle des Xenobians qui est assortie d'une terrible malédiction : les radiations xenobiannes affectent souvent mortellement les partenaires non Xenobians des couples mixtes.
Kathleen se voit confier une mission de médiation décisive par le prince Louan Kearinh, pressenti pour être le futur empereur xénobian. Entre eux, l'alchimie est immédiate : Kathleen ne comprend pas ce qu'elle ressent face à ce prince arrogant et fier d'une race qu'elle abhorre, tandis que Louan, d'habitude parfaitement maître de lui-même et de ses pouvoirs psychiques, perd tous ses moyens en présence de la belle Stehlenne...
Le cycle des Trois Marches nous plonge dans un univers bien loin de notre Terre détruite par un holocauste, que ce soit dans le temps (nous sommes près de douze siècles dans le futur) ou l'espace (Les Trois Marches sont trois systèmes planétaires réunis en confédération). Nous avons donc plusieurs planètes fort différentes, même si nous n'en découvrons réellement que deux, et encore de manière partielle. Nous avons aussi plusieurs races qui se côtoient, d'origines diverses, avec les problèmes de cohabitation que cela implique. Les Xénobians sont dotés de capacités psychiques importantes, ils sont bien plus avancés technologiquement que leurs voisins, qui craignent leur puissance.
Ce roman suit principalement le personnage de Kathleen, d'abord à travers des aperçus de son adolescence puis bien vite dans la capitale de Stelhenia, Teralhen. La jeune femme y poursuit d'abord ses études puis grimpe les échelons de la World Wide Company, une des plus importantes sociétés de médiation. Elle est épaulée par son ami d'enfance Paüul, spécialiste en bioarchitecture, et par le père de celui-ci, tous deux occupant des positions stratégiques dans le gouvernement. Paüul aime Kathleen depuis longtemps, mais il l'a laissée grandir (il est nettement plus âgé), et elle-même ne semble pas très pressée de s'engager plus avant avec celui qu'elle aime comme un frère. Et il semble bien que l'occasion va être ratée, puisque Kathleen éprouve immédiatement des sentiments fort tumultueux pour le mystérieux prince Louan ! Sentiments dont elle se défend, à l'instar du prince lui-même, mais qui ne font bien évidemment aucun doute pour le lecteur.
Certains chapitres nous permettent de découvrir d'autres points de vue que celui de Kathleen : Nous suivons ainsi presque aussi régulièrement le prince Louan, également fort attachant, mais aussi d'autres personnages qui nous permettent de mettre en place le contexte.
Là où le bat blesse un peu, c'est que ce tome, qui introduit la série, ne fait pas grand chose d'autre. On fait la connaissance des personnages, des planètes et de certaines de leurs particularités, des races en présence, de la situation géopolitique où on devine des conflits à venir... mais pour le moment il ne se passe pas grand chose, et beaucoup de paragraphes concernent des personnages ou événements qui n'ont encore aucun intérêt immédiat visible. De plus, l'autrice brode à loisir sur des sujets qui lui tiennent visiblement à cœur, mais qui à la longue en deviennent lourds, voire indigestes. Bref, c'est long et pas très actif, même si la dernière partie est un peu plus mouvementée. Et finalement, la fin abrupte amplifie ce sentiment que l'histoire n'est pas vraiment commencée. Seule la romance (ou ses prémisses, en tout cas) a été réellement traitée, suffisamment pour qu'on prenne plaisir à tourner les pages pour voir s'affronter nos deux tourtereaux, mais pas assez pour compenser l'insuffisance de l'intrigue par ailleurs.
Le style est riche, avec des mots que l'on sent soigneusement choisis, des tournures recherchées. On croise de ci de là quelques tournures maladroites ou virgules mal placées, mais globalement la plume est travaillée. Et peut-être même un peu trop pour moi, qui estime que sur ce sujet le mieux est souvent l'ennemi du bien : comme je l'ai déjà dit, j'ai eu du mal avec les grandes envolées philosophiques/scientifiques/lyriques de l'autrice, un peu difficiles à avaler pour moi. Pour vous faire une idée, voici un exemple de texte qu'il me faut relire à deux fois : "Cependant, dans les secteurs au sein desquels la transhumanité se développait le mieux, il était intéressant de noter l’abondance des échanges et la latitude de réflexion des adeptes impliqués. Louan avait toujours été curieux de voir combien l’impact crucial d’une conceptualisation de l’intuition de liberté déclenchait la venue d’automatismes quant au désir de se distinguer du commun des gens et d’accomplir ce que l’on pourrait nommer sa destinée propre. Plus l’individu se sentait autonome et serein, plus il tendait tous ses efforts dans l’exécution d’objectifs personnels qui le transcendaient et plus sa participation bienveillante à la cause commune était évidente."
L'autrice a également amplement développé son univers. Planètes, territoires, vocabulaire spécifique, il y a beaucoup à intégrer d'un coup. J'étais dans la plus grande confusion au départ, perdue dans une chronologie de départ peu évidente et une situation pas toujours facile à appréhender. J'ai fini par aviser le lexique à la fin de l'ouvrage, mais je l'ai jugé peu exploitable, mélangeant en vrac des informations de niveau différents. Un petit effort de présentation aurait peut-être permis de s'y retrouver plus facilement dans cette liste pêle-mêle de planètes et de simples quartiers, par exemple.
D'ailleurs, il reste des points que j'ai du mal à cerner, par exemple concernant le système de succession de l'empire xénobian : à la mort d'Haroun, j'ai eu l'impression d'un flou artistique, l'empire attendant plusieurs années sans se décider à élire un nouvel empereur parmi les princes, du moins si j'ai bien compris !
Attention spoiler !!! Je tique également devant l'identité supposée de Kathleen : dès les premières pages, on nous donne à penser qu'elle est la fille cachée de l'ancien empereur xénobian, et donc la demi-sœur de Louan. Du coup, leur relation amoureuse me semble incestueuse et donc un brin malsaine, puisque aucune explication ne laisse penser qu'elle soit plus acceptable dans cette société future que dans la notre (alors que c'est parfois le cas en SF, notamment quand des mutations sont impliquées, justement pour consolider des caractéristiques jugées souhaitables).
Enfin, il me reste à parler d'un point négatif auquel certains sont peu sensibles mais qui pour moi qui y suis sensible a grandement nui à la lisibilité : une numérisation affligeante. J'avais dés l'abord noté que les informations de contenu du fichier (nom de l'auteur, etc.) étaient incomplètes, voire incohérentes. A la lecture, j'étais surprise de voir des paragraphes peu aérés : titres, sous-titres et texte s'enchaînent sans distinction, ce qui est plutôt lourd. Je butais également souvent sur des césures de mots injustifiées, sans même un trait d'union : "xénobian" se trouvait régulièrement découpé en "x" (sur la première ligne) et "énobian" (sur la deuxième). Du coup, j'ai eu la curiosité de disséquer le fichier et aïe aïe aïe !
La table des matières numérique contient des "navpoints" mal imbriqués, d'où une présentation en escalier intempestive. Il y manque le prologue, et on aurait également apprécié que les titres y soient reportés. Ceux-ci sont par contre présents dans le sommaire final de l'ouvrage... totalement superflu puisqu'il fait double emploi, qu'il est non navigable et qu'en plus il indique des numéros de page en dur correspondant à l'édition papier du livre et qui ne sont pas ceux de l'édition numérique.
Le texte complet du roman est contenu dans un seul fichier texte, au lieu d'être découpé par chapitres. Du coup, voilà pourquoi les sauts de page manquent entre les chapitres, par exemple. Et je comprends également désormais pourquoi la navigation pour consulter les notes ou aller directement au lexique ou à un chapitre donné bogue souvent, la navigation par ancre étant connue pour être peu fiable.
Et pour ceux qui veulent savoir le pourquoi des césures intempestives : certaines majuscules sont en fait des minuscules écrites dans une portée de texte ("span") ayant un style majuscule, et ne sont donc pas considérées comme appartenant au même mot que la suite du texte. Au jugé, il y a près de 130 occurrences de coupures inadaptées dans les mots "Xénobian" ou "Stelhen", soit presque une fois sur trois.
Bon allez, il y a aussi du bon dans ce format numérique : quelqu'un a pensé à utiliser à bon escient les espaces insécables à proximité des ponctuations. Ce n'est pas si fréquent, donc ça vaut un bon point !
Pour conclure, du bon et du moins bon pour moi dans cet ouvrage : un univers riche mais une intrigue encore à développer si l'on excepte la romance, un style travaillé mais devenant parfois un peu lourd... J'ai jugé la lecture parfois un peu laborieuse, mais j'aurai plaisir à retrouver les personnages pour voir ce qu'il advient d'eux (et de leur romance, on ne se refait pas !).