Miss Carey Silence vient de subir un grave traumatisme. Orpheline de mère puis de père, elle avait eu la chance d’apprendre le métier de secrétaire et de décrocher un emploi auprès de Mr Andrews, un parlementaire qui l’aimait comme sa fille. Un bombardement allemand dans le train où tous deux se trouvaient a bouleversé le nouvel équilibre qu’elle avait trouvé. Son employeur décédé, sa santé fragilisée, Carey n’aurait su vers qui se tourner sans cette lettre d’une cousine et grande amie de sa grand-mère, Honoria Maquisten. Cette dame âgée et très fortunée l’invite à séjourner chez elle le temps de sa convalescence. Dans sa maison de Maitland Square, Honoria héberge aussi d’autres parents qui spéculent tous sur la part d’héritage à laquelle ils auront droit. Carey se trouve bien vite ajoutée à la liste des bénéficiaires du testament d’Honoria, mais voilà que la vieille dame décède dans des circonstances suspectes et que tous les indices pointent vers la culpabilité de Carey.
Comme l’indique le titre, Le procès de Miss Silence présente principalement le passage de Carey devant le tribunal, après un premier tiers qui nous permet de suivre directement l’arrivée de Carey à Maitland Square, ses échanges avec sa tante et ses lointains cousins. Cette partie est pour moi essentielle pour se familiariser avec la personnalité des différents occupants de la maison, leurs motivations éventuelles, et surtout avec Carey et son passé.
À ma grande surprise, la plupart des personnages s’avèrent d’emblée fortement antipathiques. Honoria est une vieille femme ancrée dans le passé et jouant avec les sentiments de ses proches, sa femme de chambre Ellen est caractérielle, son infirmière froide, ses neveux près de leurs sous... Heureusement, à mesure que l’intrigue avance et qu’on apprend à mieux les connaître, certains personnages deviennent un peu plus agréables à suivre, bien qu’ils conservent tous pléthore de défauts. Carey fait un peu figure d’exception puisqu’elle apparaît dès le début comme une jeune fille sensible au grand cœur, malgré son indécision à s’engager dans une relation romantique avec un lointain cousin américain, Jeff, qui n’a d’yeux que pour elle. Ces personnages nuancés sont pour moi l’une des forces du récit de Patricia Wentworth.
Une fois le meurtre commis, l’enquête de police nous offre une première occasion de réexaminer le déroulement de la journée du meurtre. Les deux autres tiers du récit se concentrent sur les témoignages de l’accusation et de la défense, qui passent à nouveau en revue les événements de ce jour fatidique sous l’angle de chaque témoin. En parallèle, Jeff poursuit l’enquête en compagnie de l’avocat de la défense pour innocenter Carey, cependant que cette dernière lutte pour trouver le courage de faire face aux accusations portées contre elle.
Le procès, bien qu’intéressant, m’a un peu moins plu que le début du roman et ce pour deux raisons. Tout d’abord, il amène beaucoup de répétitions : on revit encore et encore les mêmes emplois du temps, les mêmes discussions. Ensuite, il nous mitraille d’informations dont on peine à distinguer lesquelles sont réellement pertinentes pour découvrir le fin mot de l’histoire et qui rendent la lecture plus fastidieuse.
Toutefois, j’ai également apprécié ce luxe de détails, car il donne vraiment l’impression de pouvoir résoudre le mystère par soi-même avec suffisamment de ténacité. Je suppose que cela reflète en outre la réalité des enquêtes policières, qui rassemblent quantité d’éléments sans savoir lesquels sont utiles ou non : tout n’est pas un indice au final. Enfin, les tactiques des avocats de la défense et de l’accusation pour retourner les témoins en leur sens, leur faire avouer des éléments ou les faire apparaître de telle ou telle manière aux jurés sont vraiment amusantes.
C’était la première fois que je lisais un livre de Patricia Wentworth et, après avoir été biberonnée aux Agatha Christie, je ne regrette pas d’avoir découvert celle qui l’a précédée de quelques années dans l’art des romans policiers à l’anglaise. Malgré quelques longueurs, je ne saurais que trop vous conseiller de profiter de ces rééditions pour y jeter un coup d’œil !