Les Chroniques de l'Imaginaire

La Voie des roses (Les pierres et les roses - 2) - Vonarburg, Elisabeth

Ce deuxième tome de la trilogie se concentre sur quatre personnages : Briann, réuni au Puy avec Guillem, Rébecca, et Arwèn. On reprend la vie de chacun là où on l'avait laissée à la fin du premier tome, et on suit donc la vie d'Arwèn jusqu'à ses rencontres avec Briann. On y voit Rébecca suivre les études qui lui permettront d'exercer une profession proche de celle dont elle rêvait, et qui continue de lui être interdite, même si pour d'autres raisons que dans le Nord. Par la même occasion, elle éprouve la difficulté de l'exilée, à devoir changer de culture, et la différence, tant dans les petites choses que dans les grandes, est toujours comme de rater une marche invisible. Briann mesure combien il est difficile d'être un autre, surtout quand des personnes auxquelles vous tenez vous demandent instamment de continuer à être ce que vous êtes depuis si longtemps : en ce qui le concerne, un guerrier.

On y retrouve aussi des personnages secondaires rencontrés dans le tome précédent, notamment Domina Francesca Aubrard et Amaury Tiernant, et on en découvre d'autres, comme le roi Sanche d'Arragon et ses fils.

La Voie des roses est le chemin de pèlerinage vers Ste Marie en Galice, où la violence est interdite. On reconnaît bien là le décalage avec notre monde, puisque la même Via Podiensis (la Voie du Puy) ne mène pas à Saint-Jacques-de-Compostelle, mais ailleurs... Malgré quelques attaques de brigands, ou autres, ce tome est beaucoup plus paisible que le précédent, ce qui laisse le temps aux souvenirs, qui apportent autant de réponses à certaines des questions que le lecteur se posait à la fin du premier tome, tout en en laissant en suspens pour la suite. C'est aussi un temps de mise en place pour un troisième tome que l'on peut prévoir plein de bruit et de fureur, car les menaces annoncées à la fin de La Voie des pierres s'accumulent sur le sud géminite, et une Croisade christienne va sans nul doute y déferler dans le roman suivant.

Plus intimiste, ce roman se déroule aussi sur une durée plus longue - plusieurs années au lieu de quelques mois -, ce qui laisse aux personnages, et à leurs relations, le temps d'évoluer. L'auteure en approfondit ici la complexité, non seulement dans le cas de Briann et Guillem, mais aussi dans celui d'Arwèn et de Morrigan, qui deviennent plus intimement liées que le tome précédent ne le laissait présager, hors peut-être la toute fin. Il est vrai que dans leur cas, la durée est différente, et bien sûr beaucoup plus longue !

Elisabeth Vonarburg revisite dans ce roman l'un de ses thèmes majeurs, celui du rapport entre le vrai et le réel, et elle le fait très habilement, en montrant la labilité des souvenirs des présents, et combien ceux des différents spectateurs, voire même participants, d'un événement - et il s'agit en l'occurrence de quelque chose de terriblement important pour eux - peuvent diverger. La richesse du style et de la langue de l'auteure passe le plus souvent inaperçue, contrairement à ce qui peut arriver dans d'autres cas. En effet, son unique fonction est clairement de faciliter l'immersion du lecteur en le faisant adhérer aux émotions et sentiments des personnages, donnant à ces derniers du corps, une présence crédible. De ce fait, on peut facilement l'ignorer, voire même se plaindre de longueurs et de passages inutiles. Par exemple, ces contes à plusieurs voix, qui interviennent à différentes reprises dans le récit, sont révélateurs des personnages qui y participent, s'ils ne font pas directement avancer l'action.

En somme, une suite fort intéressante de La Voie des pierres, à la fin de laquelle on ne peut que se réjouir de voir sur le site d'Alire que la sortie du troisième tome est pour tout bientôt, au moins au Québec. En ce qui concerne La Voie des roses, sa parution française est prévue pour le 18 octobre.