Les Chroniques de l'Imaginaire

Coldheart Canyon - Barker, Clive

Au fin fond de Coldheart Canyon, sur les hauteurs de Los Angeles, se trouve une grande propriété de style espagnol, construite durant l’âge d’or du cinéma muet par la belle et licencieuse Katya Lupi. Témoin de fêtes endiablées, la demeure contient aussi une mystérieuse fresque rapportée de Roumanie, le pays natal de la belle Katya, qui est réputée être maudite. Son agent, Willem Zeffer, a fait déménager cette fresque carreau par carreau depuis le monastère où elle était dissimulée, en témoignage de son amour inconditionnel pour cette beauté inaccessible. Sans le savoir, il a provoqué le début de sa chute et l’explosion des caprices de la starlette.

Début des années 2000, Todd Pickett est une célébrité hollywoodienne. Après avoir multiplié les films d’action, son dernier film a pour ambition de donner plus de crédibilité à ce jeune acteur. Malheureusement, il s’annonce comme un échec et les premières marques de la vieillesse viennent affecter le visage d’ange de l’acteur. Bientôt, la relève sera là. Son agent Maxine Frizelle, qui lui était auparavant toute dévouée jusqu’à abandonner tous ses autres clients pour lui, semble s’impatienter. Todd se laisse donc convaincre de subir une opération de chirurgie esthétique qui tourne à la catastrophe. Sur les conseils d’un de ses vieux amis, Jerry, il part se réfugier dans une demeure vacante depuis des années : Coldheart Canyon.

Tammy Lauper a bien des sources d’insatisfaction dans sa vie : son mari, son surpoids, ses rêves déçus. Elle trouve le réconfort dans l’entretien obsessionnel de son fan club de Todd Pickett. Lorsqu’il disparaît mystérieusement, elle décide de tout mettre en œuvre pour s’assurer de son bien-être, même si cela implique de se frotter au surnaturel et à une malédiction millénaire.

J’ai dévoré ce livre, bien que je n’aie pas été convaincue par tous ses aspects. Commençons donc par les choses qui fâchent. On l’aura compris, Coldheart Canyon est un roman fantastique qui s’affiche clairement dans une veine « horreur » avec sa malédiction et sa maison hantée. Si le surnaturel est bien au rendez-vous, Clive Barker abuse à mon sens de descriptions de scènes d’orgies et de la sexualité pour choquer. Et autant dire que sur un public moderne, cela fonctionne peu. Les expériences sexuelles d’adultes consentants, même avec plusieurs partenaires, ne me font personnellement pas plus peur que ça. L’auteur évoque aussi d’autres actes, non consensuels, qui s’ils sont bien horrifiques, sont aussi très ancrés dans le réel et n’ont pas grand-chose à voir avec le surnaturel.

Ce bémol passé, j’ai vraiment pris un grand plaisir à ma lecture. Comme je l’ai dit, le surnaturel est bien présent, encore que sous une forme peu subtile. On est impatient d’en apprendre plus sur la fameuse malédiction à l’origine de tout et qui, par son allure de conte traditionnel, constitue une très bonne trouvaille. 

Ce roman est aussi une incursion dans le monde hollywoodien et dans une époque fascinante : celle de sa genèse. Clive Barker ne se prive pas de faire référence aux grands noms de l’époque et mettre en scène Theda Bara, Rudolph Valentino, Lionel Barrymore… parfois de manière très irrévérencieuse. Qu’on se passionne ou pas pour cet âge du cinéma, on ne pourra que se laisser entraîner à l’instar des protagonistes à la découverte de ces instants. Le cinéma plus contemporain n’est pas en reste et l’auteur n’hésite pas à nous abreuver de références plus actuelles.

Clive Barker sait d’ailleurs très bien rendre les atmosphères. Son incipit décrivant la vallée dans laquelle se trouve la maison, Coldheart Canyon, est magnifique. Il parvient à être lyrique tout en instillant déjà un certain malaise. Les personnages sont aussi très travaillés. Chacun d’eux connaît une progression personnelle, y compris des personnages plus secondaires. Ce sont véritablement des individus que l’on apprend à aimer puis détester, puis aimer encore, un peu comme de vraies stars de cinéma en définitive. L’auteur parvient à rendre aussi bien le magnétisme, le charisme fou de Katya et de Todd que la pugnacité de Maxine et Tammy. Mon gros coup de cœur a d’ailleurs été pour ces derniers personnages féminins qui sont peut-être ceux évoluant le plus au cours du roman et sur lesquels mon point de vue a le plus changé.

Pour tout cela, Coldheart Canyon est une lecture captivante, presque éreintante, mais que je ne peux que conseiller aux amoureux du cinéma, de maisons hantées et de personnages hauts en couleur qui ne sont pas rebutés par la présence de scènes érotiques assez osées.