Les Chroniques de l'Imaginaire

L'insondable profondeur de la solitude - Hao, Jingfang

Ce recueil, dont l'auteure est la première écrivaine chinoise à avoir reçu le prix Hugo, est extrêmement original. Hao Jingfang s'en explique d'ailleurs, en partie, dans sa préface. En partie seulement, car à mon avis certains des thèmes qu'elle explore au fil de ces nouvelles, comme leur décor, appartiennent à sa culture, différente de la nôtre dans sa façon de les aborder.

Je pense notamment à la nouvelle Le théâtre de l'univers, qui met en scène l'importance des rites et des fêtes comme support de socialisation, voire d'humanisation, et dont je doute qu'elle aurait pu être écrite par un occidental. La nouvelle Question de vie ou de mort, quant à elle, m'a évoqué le Bardo Thödol, le livre tibétain des morts, dans un décor plus moderne que celui de ce grand classique.

Le thème de la relation entre la vie et la mort, et celui du sens de la vie, est central dans plusieurs nouvelles. Outre bien sûr Question de vie ou de mort, déjà citée, on le retrouve dans Le palais Epang, qui imagine un séjour des Immortels accessible, et les conséquences de sa découverte par un "humain standard", La chambre des malades, qui représente remarquablement la difficulté à vivre, et La clinique dans la montagne, qui s'interroge sur le sens de la vie.

Même quand Hao Jingfang traite un thème auquel nous sommes habitués, comme par exemple une invasion extra-terrestre, comme dans le diptyque Le chant des cordes et Au centre de la prospérité, dont les personnages principaux sont identiques, et qui racontent, comme le dit Hao "les deux faces de la même histoire", c'est d'une façon très personnelle. Le comportement des extra-terrestres, comme celui des rebelles, est différent de tout ce que j'ai pu lire dans le genre. De la même façon, le thème de l'importance individuelle, traité, comme souvent, avec des personnages qui sont des clones, dans Le dernier des braves, s'articule d'une façon surprenante.

Quant à Pékin origami, qui décrit une ville partagée en trois, tant dans le temps que dans l'espace, il n'est pas surprenant qu'elle ait été primée : outre que c'est sans doute la plus aboutie sur le plan de l'intrigue, la description de la mise en place du monde où elle se déroule est superbe, si le monde en soi n'est pas d'une grande originalité.

En somme, les lecteurs de science-fiction amateurs de nouvelles, et à la recherche d'idées neuves, devraient beaucoup apprécier la lecture de ce recueil. Certes, son autrice dit elle-même qu'il n'est pas exempt de défaut, et il est vrai qu'il est certainement plus contemplatif que beaucoup, mais c'est une nouvelle voix de la SF qu'il serait dommage de refuser d'entendre.

Il est dommage que ces superbes nouvelles semblent avoir été relues de façon plus ou moins attentive. J'y ai en effet trouvé quelques fautes de français. Il serait regrettable toutefois que ce bémol prive de cette découverte ceux qui, comme moi, sont facilement agacés par ce genre de défauts. L'intérêt du fond doit absolument, en l'occurrence, faire oublier les quelques vices de forme.