Les Chroniques de l'Imaginaire

L’oeuf de Tanglemhor (Chroniques des secondes heures de Tanglemhor - 1) - Jhelil, Azaël

"Nulle autre divinité que Qraasch ou Naarubsahoum ne devait être vénérée dans l’empire du Premier Vindicateur. Qraasch, le dieu de la Vengeance du Bassin ctasharre. Naarubsahoum, le Grand Dévoreur, sombre dieu des contrées du Grand Aghar. Deux facettes d’une même pièce. Une pièce unique, frappée par leur plus grand dignitaire : Krûl de Ssylsune."
En quelques années à peine, Krûl, le semi-lézard méprisé, est devenu le plus haut dignitaire du culte doloriste et a soumis la plus grande partie des terres du Bassin ctasharre et du Grand Aghar. Le Premier Vindicateur s'impose par la force, n'hésitant pas à lancer au combat des hordes de morts-vivants, voire même des démons. Dans les terres du Levant, seule la Marche de Manatie résiste encore au tyran. Mais pour combien de temps ?

Force est de constater que j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans cet ouvrage. Je l'ai lu à petites doses, n'arrivant jamais à dépasser trente ou quarante pages d'un coup. Quand on sait que c'est un énorme pavé qui fait plus de huit cent pages, on devine qu'il m'a ainsi fallu des semaines pour en venir à bout. Sachant que je suis habituellement une lectrice assidue et rapide, c'est l'indice certain d'une lecture relativement laborieuse.
Pourtant, cela avait plutôt bien commencé. A première vue, j'ai jugé le livre mieux finalisé que nombre d'ouvrages auto-édités qu'il m'a été donné de chroniquer jusqu'à aujourd'hui : une splendide couverture, une présentation propre (incluant par exemple une table des matières navigable), et d'autres bricoles, bref un petit côté pro pas déplaisant du tout. Il ne manquait qu'une carte, mais ça c'est bonus, pas réellement indispensable.
De plus, dès l'abord, j'ai pu juger que la plume était belle, à la fois riche et fluide, avec un vocabulaire recherché et des efforts stylistiques certains. Un ouvrage publiable en l'état chez un éditeur ayant pignon sur rue, me semblait-il.

Alors, d'où vient mon manque d'intérêt, pour autant que je puisse l'expliquer ?
En premier lieu, des longueurs. L'auteur nous fournit moult informations pour comprendre son monde et ses peuples, mais pas toujours suffisamment diluées dans le récit. Parfois, il nous présente cela sous forme de dialogue entre les personnages, rendant ces explications un peu moins lourdes. Mais grosso modo, je pense que le roman aurait pu être amputé d'un bon tiers sans dommage, au contraire. Et tout ça seulement pour la première partie d'une quête qui s'interrompt en plein milieu...
Dans le même ordre d'idée, je trouve également qu'il y a trop de notes (je veux parler de ces notes dites "de bas de page", même si, en numérique, ces notes occupent la fin de l'ouvrage). Elles apportent des informations supplémentaires sur le monde, sur un ton très humoristique, mais à la cent-quarante-huitième on est depuis longtemps lassé de faire des allers-retours avec les notes pour des détails qui auraient parfaitement pu être insérés dans le texte lui-même, voire n'apportent rien hormis la pointe d'humour. Un peu comme les fausses notes du faux abrégeur du roman Princess Bride, qui énervent quantité de lecteurs, même si ici les notes sont bien plus brèves...

Ensuite, il me semble que l'auteur s'est un peu trop appliqué, si j'ose dire. Un comble, non ? Le bestiaire classique est là : fées, ogres, trolls, nains, dragons et j'en passe, qu'ils soient zombies ou hommes-félins. Sans oublier les terrifiants démons cornus aux ailes de chauve-souris. On ajoute un gros gros méchant, une bande de gentils en quête d'un objet à même de le contrer, des prophéties, des sorciers, des armes magiques... Et au final, on a coché tous les éléments de notre checklist "roman de fantasy" ! Il manque seulement la touche d'inspiration qui permettrait de mettre cet ouvrage au dessus du lot...

On suit tout une galerie de personnages, qui ont tous une bonne raison d'en vouloir au conquérant (ça, c'est facile !) : une princesse qui incarne la résistance, un voleur recherché pour avoir dérobé l'objet qu'il ne fallait pas, et d'une manière générale plein de gens insatisfaits de la violence qui caractérise la domination de Krûl. Tous sont plutôt sympathiques, mais aucun n'a réellement su me faire vibrer. En plus, ils sont finalement un peu trop : A quoi sert d'avoir une troupe aussi abondante (et aussi peu discrète, vu que formée de personnages très divers aux caractéristiques physiques appuyées) pour une unique quête ? On finit par passer son temps à se demander quel personnage fait quoi et où, de peur d'en oublier. L'attention se disperse, et on en oublie de s'attacher aux différents protagonistes.

L'intrigue foisonne de rebondissements. Beaucoup de combats, comme on peut s'en douter, mais pas seulement. Piraterie et magie sont aussi de la partie, sans oublier quelques cérémonies plutôt macabres orchestrées par le Premier Vindicateur, et d'autres choses encore. Il y a aussi des moments plus tranquilles, où les personnages échangent des pensées plus philosophiques par exemple.

Au final, je n'ai pas réussi à apprécier ce roman, les points négatifs ayant pour moi pris le pas sur les bons éléments. C'est un roman avec tous les bons ingrédients, mais qui n'a malheureusement pas su éveiller mes papilles. Ne le boudez pas pour autant, je suis sûre que certains - peut-être moins blasés que moi de sauce fantasy - y trouveront leur bonheur.