A la suite de la Troisième Guerre Mondiale sont apparus des individus dotés d'un Néo Cerveau leur accordant des capacités extraordinaires. Inconnus du grand public, ces hommes et femmes sont pour la plupart regroupés en clans. Ils sont plus forts, plus rapides, ils maîtrisent souvent des pouvoirs associés à un élément particulier. Kadaj par exemple est électromancien et a une affinité avec l'électricité. Cela ne l'empêche pas cependant d'aller au lycée comme un adolescent ordinaire, en plus de ses activités en tant que Terra Nova.
Un jour, Kadaj et ses compagnons sont pris à partie par un clan très dangereux, Ragnarök. Celui-ci en a après Atlas, le chef des Terra Nova, qui est venu les défier sur leur territoire pour sauver un jeune prodige orphelin. Bientôt, les événements vont s'enchaîner, menant Kadaj de surprise en surprise.
Ce livre est annoncé comme un "roman manga". Curieux concept, ai-je pensé, puisque pour moi un manga est forcément une bande dessinée. Pourtant, s'il s'agit bien d'un roman, l'esprit manga est bien là. Et plus précisément, l'esprit shônen, le shônen étant ce type de manga qui cible les adolescents de sexe masculin.
On a ainsi un rythme rapide (les personnages ne prennent guère le temps de se poser pour analyser les situations), un style très visuel (les apparences et vêtements des protagonistes sont méticuleusement décrits) et surtout des combats nombreux également très visuels : les combattants rivalisent d'effets de manche, enchaînant les attaques aux noms évocateurs (énoncés au moment où lesdites attaques sont lancées, bien sûr...) pour toujours surpasser la technique précédente, même s'ils paraissaient au seuil de la mort.
Dans le même ordre d'idée, on retrouve aussi les caractéristiques comportementales qui sont celles de beaucoup de héros de shônens : ils sont belliqueux et aiment les combats épiques, et préfèrent tous foncer dans le tas et se battre en premier lieu, pour réfléchir (ou pas...) après !
Du coup, on a les avantages du shônen mais aussi ses défauts : Les héros sont dans une optique martiale, ils encensent les capacités guerrières et n'utilisent leurs fabuleux pouvoirs que pour s'affronter. Ils sont si confiants dans leurs aptitudes de combattants qu'ils se lancent à l'assaut sans guère de préparation ni de concertation. Une mission implique d'attaquer un convoi d' "hommes lourdement armés" ? Pas de problème, j'y vais tout seul et je fais ça les doigts dans le nez ! Cette absence de réflexion se retrouve aussi dans le comportement de tous les jours : Après l'apparition de Ragnarok, les jeunes membres de Terra Nova se promènent sans trop s'inquiéter de leurs ennemis - malgré de vagues mesures mises en place -, plus préoccupés par le lycée et les loisirs que par leur sécurité. Kadaj et ses amis sont certes des juniors, mais cette immaturité reste déconcertante quand on sait que l'adolescent est le numéro trois de son organisation, amené à assumer de grosses responsabilités !
Et ne parlons pas de passer le test de Bechdel-Wallace... Ce roman ne réussit clairement pas cet examen, inventé pour mettre en évidence la sur-représentation de personnages masculins dans une œuvre. Les rares intervenants féminins correspondent presque tous au syndrome de la Schtroumpfette : l'amoureuse ou la mère n'existent qu'en référence aux garçons. D'ailleurs, je vous laisse deviner : qui a un pouvoir curatif et non offensif, à votre avis ?
Il me faut également parler d'un point négatif qui peut rendre la lecture laborieuse pour qui y est sensible : L'absence d'une relecture de qualité. Le style est globalement agréable, il n'y a pas de faute d'orthographe, mais les fautes de grammaire sont légion.
Certaines erreurs sont récurrentes. Par exemple : mauvais emploi des temps, confusion de "ces" avec "ses" ("Il était tellement maigre que l'on discernait clairement ces côtes."), etc. Les pronoms sont régulièrement utilisés de manière incorrecte : pour rappel, le pronom "il" se rapporte au sujet de la phrase précédente, non au complément d'objet indirect de la phrase d'encore avant ; "celui-ci" désigne le substantif énoncé en dernier, par opposition au sujet ("Kadaj en verrouilla aussitôt l'accès. Celui-ci était stupéfait." : Est-ce donc l'accès qui est stupéfait ?). Parfois, il manque des mots ("Kadaj n’eut pas à attendre découvrir ce qu'il manigançait."), et cela peut même inverser le sens de la phrase ("Ce ne peut être bénéfique pour nous.", dans le contexte on parlait justement de quelque chose d'avantageux).
Quelques autres phrases bancales, en vrac : "Après une vingtaine de minutes qui lui avaient paru des heures qu'ils s'arrêtèrent dans un bosquet.", "Il demanda à Kadaj de s'écarter qui obtempéra à contrecœur.", "Il s'en prit aussi à l'autre individu en le frappant au visage qui le projeta lui aussi dans la salle de réunion.". Quant à "Saga était assis sur une table autour d'autres soldats.", si la structure de la phrase est correcte, je peine à me représenter la scène.
Il n'y en a pas à toutes les pages, mais quand même suffisamment pour que cela dérange.
L'intrigue mêle aventure, mystères et fantastique. Les rebondissements sont nombreux, pour un rendu sans temps mort, même si certains enchaînements manquent parfois légèrement de cohérence. Certains des éléments introduisent des développements encore à venir ; ainsi en est-il de l'épisode avec la princesse, globalement sans rapport avec les autres événements de ce tome. Il reste ainsi largement de quoi prolonger le cycle dans d'autres romans, pour les lecteurs en quête de réponses.
Globalement, ce n'est pas ma tasse de thé, mais je ne suis pas réellement amatrice de shônens. Je gage que le public cible (les jeunes garçons, donc) saura trouver son plaisir dans cet ouvrage qui en respecte les codes, à défaut de la forme dessinée.