Harold Cummings est un retraité sexagénaire encore en pleine forme. Pendant toute sa vie, il n’a opéré que des choix rationnels, n’a agi qu’avec sagesse et n’a jamais manifesté le moindre écart de comportement. Marié depuis quarante ans à Millie, pour qui il éprouve toujours de l’affection, il a deux enfants et un petit-fils et fréquente toujours son meilleur ami de maternelle. Il a tout ce dont il a besoin. Pourtant, après le décès d’un ancien ami de fac, Harold Cummings réalise avec effroi qu’il n’est pas heureux. Il s’ennuie dans cette existence qui a toujours été bien rangée. Il se met en tête de s’aventurer hors du droit chemin.
Harold Cummings est un égoïste patenté en proie à des problèmes de riche. First world problems comme on dit en anglais. Voilà, c’est lâché ! L’auteur n’est pas dupe et son ton oscille entre la complaisance et la critique envers les égarements de son protagoniste. Les autres personnages sont aussi dépeints de manière assez sombre : personne n’est parfait, chacun poursuit sa propre quête de bonheur individuel.
Je n’ai pu compatir personnellement à aucun de leurs problèmes. Je me suis dit qu’Harold allait peut-être vivre quelques aventures loufoques, mais il s’agit plutôt de péripéties très terre-à-terre et pour le moins sordides, de la prise de drogue à la visite chez les prostituées. Je me suis ensuite dit que l’auteur allait, dans les derniers chapitres, montrer qu’on ne peut pas courir comme cela à sa perte sans conséquences. Steven Boykey Sidley n’adopte pas non plus cette voie puisque, par deux grandes facilités scénaristiques, tout se termine pour le mieux pour Harold Cummings.
Je ressors donc très frustrée de cette lecture. Ce n’est pas que je recherche une morale à tout va, mais c’est assez exaspérant de suivre des personnages si peu responsables et soucieux des autres.
Pourtant, le style d’écriture est agréable et l’intrigue bien rythmée, sans temps mort. Les personnages sont également bien campés, malgré leur caractère antipathique. Plus le temps s’écoule depuis ma lecture, plus je réalise qu’il s’avère au final surtout de la description d’une société obnubilée par le plaisir personnel et incapable de communiquer. Je pense donc que les lecteurs capables de se détacher des personnages et à la recherche d’un portrait sombre de l’Amérique pourraient donc apprécier. C’est peut-être cette noirceur qui m’a déplu.