Les Chroniques de l'Imaginaire

Kaboul et autres souvenirs de la Troisième Guerre Mondiale - Moorcock, Michael & Hyman, Miles

Aux yeux de tous, Tom Dubrowski n’est qu’un modeste antiquaire londonien, mais ce n’est qu’une façade, car il travaille en réalité pour les services secrets russes. En fait, il ne s’appelle même pas vraiment Tom Dubrowski. Agent infiltré, il est ballotté de mission en mission, de Rome à Maracaibo en passant par Toronto, sans jamais connaître réellement les tenants et aboutissants de son travail, ce qui ne le préoccupe pas outre mesure. Du moins, jusqu’à ce que la Troisième Guerre Mondiale éclate…

Dans ce recueil de six nouvelles, Michael Moorcock dresse le portrait d’un héros désenchanté perdu dans un monde qui bascule petit à petit dans le néant. 

Si Danse à Rome, la première nouvelle, donne l’impression d’avoir affaire à une satire des récits d’espionnage classiques, avec un héros qui s’intéresse davantage à ses conquêtes féminines qu’à son travail (du reste, la seule fois où il tente activement de jouer à l’espion se solde par un échec aussi lamentable que ridicule), le ton bascule progressivement dans les textes qui suivent. La guerre nucléaire, au début perspective vaguement irréelle, se fait de plus en plus inexorable, au point que c’est presque un soulagement de voir le conflit éclater et la tension accumulée se relâcher. La deuxième moitié du recueil chronique la ruine d’un monde, de notre monde, et celle de Tom Dubrowski, toujours aussi impuissant à agir sur les événements, condamné à subir le cours de l’Histoire dans ce qu’il a de plus atroce.

Si vous avez déjà lu du Moorcock tardif, vous retrouverez des éléments familiers ici. Tom Dubrowski est un Juif ukrainien originaire d’Odessa, tout comme le colonel Pyat de Byzance 1917, et on retrouvera aussi dans les nouvelles Kaboul et Incursion au Cambodge les cosaques des steppes déjà croisés dans Le Tsar d’acier, par exemple. Mais ces livres prenaient place dans un passé plus ou moins alternatif, alors qu’ici, c’est un futur proche qui sert de cadre aux aventures de Dubrowski, ce qui leur donne un sentiment d’urgence beaucoup plus marqué.

Au-delà du contenu, Kaboul et autres souvenirs de la Troisième Guerre Mondiale est aussi un très bel objet. La typographie est claire et élégante, le papier blanc agréable au toucher et les illustrations de Miles Hyman ponctuent de manière efficace l’étrange familiarité du monde de Dubrowski