Walter Krowley est un scénariste raté, rejeton médiocre de stars d'Hollywood. Sa vie a basculé après un accident de voitures, quand il a découvert qu'il faisait partie du cercle très fermé des Rêveurs : quand il s'endort, ses songes lui font rejoindre l'Ever. Il y a gagné un tiers de vie en plus, et quelle vie !
Réquisitionné comme tous les nouveaux Rêveurs pour participer au programme d'exploration des rêves, Krowley a été affecté à Brumaire, un rêve ancien et dangereux. Un rêve qui attise bien des convoitises...
Doowylloh, pendant onirique d'Hollywood, est un monde totalitaire, où les citoyens sont surveillés dans leurs moindres faits et gestes par l'administration du Gouverneur. Prendre le contrepied du système, c'est risquer de se retrouver entre les pattes des Outlaws, une bande de cow-boys avides et sans scrupule. Pour Krowley, qui a le don de mettre les pieds dans le plat et se retrouve rapidement coincé entre les différents camps, les ennuis vont s'accumuler prodigieusement !
Ayant été séduite par les recueils de nouvelles de l'auteur, j'avais très envie de découvrir ce roman.
Si l'idée d'arpenter un autre univers durant ses rêves n'est pas neuve, elle est ici bien traitée. L'Ever, avec son ambiance steampunk à base d'automates et autres joyeusetés du même genre, présente bien des caractéristiques intéressantes. Le côté dictatorial de Doowylloh, où le gouvernement exerce un contrôle total et incessant de ses citoyens, rappelle un peu l'atmosphère du film Brazil. Le héros y est tout aussi dépassé par des événements qu'il ne maîtrise guère. Le scénario est suffisamment riche en rebondissements pour nous tenir en haleine, avec des personnages hauts en couleur - sans oublier des femmes inoubliables - et des situations qui n'évoluent pas toujours comme on l'attendrait.
Dès le début, l'auteur nous entraîne dans un méli-mélo difficile à débrouiller immédiatement, nous présentant les aventures de Krowley de façon non chronologique. Ce n'est que petit à petit que l'on réussit à s'imprégner suffisamment de l'histoire pour recoller tous les morceaux dans le bon ordre.
La plume d'Anthelme Hauchecorne est très belle, mais également très particulière, inimitable. Il a le sens de la formule et propose un texte efficace aux phrases souvent percutantes. De plus, son narrateur - Krowley - pratique un brin d'autodérision bienvenue, bref c'est vraiment sympa à lire.
Il me faut cependant avouer que, si j'ai pris plaisir à ma lecture, je préfère cependant ses nouvelles précédentes. J'ai ici ressenti quelques longueurs, surtout dans la première moitié de l'ouvrage, je trouve l'auteur plus à l'aise avec le format court.
A noter un petit bémol sur l'édition numérique : la table des matières ne comprend qu'une seule entrée, pointant sur la page de garde, du coup on ne peut pas l'utiliser pour naviguer. De plus, on rencontre plusieurs problèmes de césures intempestives (c'est-à-dire des tirets séparant des mots en deux alors qu'il n'y a pas de changement de ligne en vue), qui sont du plus mauvais effet en début de lecture (on a peur de devoir supporter ça tout du long, alors qu'en fait il n'y en a que quelques uns, tous localisés dans les premières pages).
Rien de bien grave cependant. Laissez-vous tenter par cet auteur talentueux et plongez dans le monde de l'Ever, vous ne le regretterez pas !