Christopher Priest expose que la perception de la réalité est l'alpha et l'omega de son œuvre, et qu'il n'est jamais sûr à 100% de ce qui est "réel". Ses romans sont traduits dans 23 langues. C'est notamment toujours le cas en japonais, ce qui le surprend.
A propos de son roman Le glamour, il rappelle qu'à l'origine le glamour était un sort posé sur une femme par un mari jaloux afin qu'aucun autre homme ne la voie et ne la juge attirante. Le sens s'en est totalement inversé. Quoi qu'il en soit, il a eu un épisode d'amnésie, avec la sensation d'avoir "un trou dans la mémoire", d'avoir vécu un temps à propos duquel il n'a absolument aucun souvenir. C'est à cela qu'est relié le roman.
En ce qui concerne Conséquence d'une disparition, il estime que le titre français est aussi juste que celui d'origine (An american story). Il est vrai que c'est un roman non sur le 11 septembre, mais sur la façon dont les événements du 11 septembre ont été racontés. En effet, toute l'idée de mémoire est liée à la narration : quand nous racontons quelque chose qui nous est arrivé, plus tard c'est de l'histoire que nous nous souvenons, non des faits eux-mêmes. Ce faisant nous fabriquons une fiction. Or, près d'un million de gens, sur la planète entière, sont morts à la suite de ces événements, mais les Américains persistent à dire que cela ne concerne qu'eux. Après que les conclusions de la commission d'enquête du congrès ont été publiées, un mur de silence est tombé. Mais quand on regarde de près le rapport, on constate le manque de données scientifiques, et leur manque de fondement quand il y en a, comme le fait que les seuls avions gros porteurs à pouvoir voler aussi vite aussi bas sont des appareils militaires. Ce serait physiquement impossible pour un avion civil. La théorie de Priest, c'est que les Américains "ont merdé", qu'ils ont fait une énorme erreur, et ils ont commencé à mentir à ce propos, parce que c'était vraiment très embarrassant pour tout le monde, militaires et politiciens, et leur mensonge est devenu de plus en plus gros. Sans savoir ce qui s'est passé, ni comment ça s'est passé, il aime l'idée d'une société assise sur ses mensonges, et qui s'imagine que personne ne va le remarquer. Ce roman n'a pas été écrit pour choquer, mais il n'est pas vendu aux USA, du fait même qu'il est à propos du 11 septembre. Or, cela est une partie du problème, car les médias américains ont semble-t-il perdu leur indépendance.
Le prochain roman est encore en cours d'écriture, mais se déroulera à Paris pendant les Années Folles. Il portera à la fois sur la multiplicité des spectacles de magie sur les scènes parisiennes de l'époque, et sur le très grand nombre d'Américains qui habitaient Paris à ce moment-là, ce qui avait une influence non seulement sur ce que pouvaient servir les restaurants, mais aussi sur les difficultés pour se loger que cette foule pouvait causer. Tous les personnages seront inventés, à l'exception de Jules Verne, qui était déjà mort à ce moment-là.
A une question d'un membre du public à propos de la traduction, et d'éventuelles censures, Priest répond qu'il est content de ses traducteurs français, dont il peut vérifier la fidélité du fait qu'il est capable de lire la langue, contrairement à ce qui se passe pour l'indonésien, le japonais ou le chinois. Il y a une clause dans le contrat mentionnant que la traduction doit être "complète et fidèle", mais il est obligé de faire confiance à la maison d'édition et au traducteur. Le monde inverti avait été publié en russe à l'époque de l'URSS, et un de ses lecteurs russes vivant en Angleterre lui avait signalé que l'édition russe comportait à la fin un essai d'une vingtaine de pages justifiant le roman comme marxiste-léniniste. Apparemment, il avait été traduit sans rien y changer, mais en ressentant le besoin de l'expliquer. Or la littérature est un art, et un roman tient debout tout seul, ou tombe, mais n'a pas besoin d'explication.