Les Chroniques de l'Imaginaire

Le corps immatériel

Contrairement à ma chronique précédente sur le corps physique, celui dont il est question ici soit n'a pas de support matériel, quand il est imaginaire ou que l'identité est numérique, soit n'est pas visible même quand il est matériel.

L'apparition de personnages féminins date du roman, et notamment La Princesse de Clèves, mais c'est une épaisseur purement psychologique, l'action étant réservée au mâle. L'arrivée du corps ne se fera que dans les romans populaires, les feuilletons. Plus tard, dans Zola notamment, seules les classes sociales les plus basses ont un corps, alors que les autres n'en ont pas. En SF, les femmes sont présentes comme objets, jusqu'aux féministes, pour qui les femmes existent en tant que corps. La main gauche de la nuit fait prendre conscience que le corps est d'abord une construction sociale, entre autres dans son genre.

Dans une sorte de haine de la nature et du féminin, le post-genrisme veut supprimer l'inégalité des genres en supprimant la reproduction organique, avec le danger que le neutre soit en fait un équivalent déguisé, un nouvel avatar, du masculin. Or, le but de la société devrait être de faire en sorte que toute la diversité des humains possibles puisse exister. Dans cette optique, le transhumanisme ne peut guère mener qu'à la dystopie.

Les enfants ont deux rêves : voler et être invisible. Le rapport à l'invisibilité s'inverse par la suite, et passe du côté de la crainte. La puissance des réseaux sociaux tient au fait que tout le monde à l'heure actuelle veut être visible, sachant que les gens se dissimulent derrière une identité créée par eux-mêmes. Il est à noter que l'invisibilité est quelque chose qui existe de nos jours, mais elle est sociale, c'est celle des exclus, ou des femmes passé un certain âge, au moins au regard masculin dans ce dernier cas.

L'identité numérique est une mise en scène, une présentation de soi, faite avec les autres, avec collecte du feedback des autres. Les dynamiques d'identification sont faites par de grandes plates-formes numériques, qui cherchent à être des producteurs d'identité. Dans la télévision, l'utilisateur est expulsé du produit, contrairement à ce qui peut se passer dans les jeux de rôles, ou plus généralement dans la réalité virtuelle. La création (et l'usage) de l'avatar a permis d'élaborer la création du corps, de réinvestir des corps nouveaux. Le virtuel est un moyen pour les auteurs, mais aussi pour le public, d'exister.

A l'opposé, sachant que le croisement des données biographiques et biométriques n'est plus interdit en France depuis 2016, le refuge suprême est son propre corps, au sens où aucun système extérieur ne peut le capter pour se l'approprier.