Dans la vallée où vit Agnieszka, la menace du Bois est omniprésente. Quiconque s'en approche trop risque d'y être emporté, quiconque y pénètre en ressort contaminé, et des créatures maléfiques ou des vents pollués en sortent parfois, corrompant ceux qui y sont confrontés. Année après année, le Bois grappille du terrain... Heureusement, le Dragon veille sur la vallée.
Mais la protection du magicien a un prix : Tous les dix ans, il exige qu'on lui offre une jeune fille en tribut. Celle-ci est libérée au bout du décennat, mais reste toujours muette sur ce qu'elle a vécu dans la Tour et quitte alors la vallée pour ne jamais y revenir. Un sort qui fait frissonner les habitants de la vallée rien qu'à y penser...
Agnieszka est une "fille du Dragon", une de ces filles qui auront dix-sept ans au moment du prochain choix et risque donc d'être emportée par le Dragon. Cependant, elle ne s'est jamais vraiment inquiétée à ce sujet, car dans la vallée tout le monde sait que cette fois c'est son amie Kasia que le seigneur va emmener avec lui : Elle est belle, courageuse, brillante en toutes choses. Pas comme Agnieszka, qui est plus douée pour salir et déchirer ses vêtements que pour préparer un repas !
Pourtant, au mépris de toute logique, le Dragon choisit Agnieszka. Absolument pas préparée à la situation, Agnieszka ne sait pas comment gérer sa nouvelle position de servante du magicien. Empotée, elle s'attire vite les foudres de son nouveau maître. Mais son caractère affirmé finit par ressortir, et même le puissant Dragon devra composer avec sa personnalité particulière !
Ce roman commence comme un conte de fées : il était une fois un dragon, une gentille jeune fille et une forêt magique… Pourtant, bientôt la noirceur venue du Bois va apporter une tension qui contraste avec cette ambiance légère des premiers chapitres. C’est bien un conte, mais un conte pour adultes, riche de détails qui permettent de s’y immerger.
Dès le début, l’accent est mis sur le personnage d’Agnieszka, une jeune fille un brin naïve mais forte et déterminée malgré sa fâcheuse gaucherie. Elle ne se laisse pas abattre et agit toujours selon son cœur, avec beaucoup de générosité. Elle va évoluer au contact du magicien qui la dirige dans son apprentissage, et leurs relations sont particulièrement savoureuses, car ils ont des caractères opposés. Le Dragon est froid et distant, uniquement passionné par son art, appliqué à son travail de magicien protecteur du royaume, il aime que les choses soient faites rigoureusement, sans approximation. Agnieszka a une approche de la vie (et de la magie) toute différente, elle suit son intuition, se laisse guider par son instinct, incapable d’ailleurs de se rappeler les longues instructions que son maître lui donne ! La romance entre eux, longue à s’installer, est bienvenue pour qui les apprécie, mais suffisamment en arrière-plan pour ne pas gêner ceux qui y sont allergiques.
Autour de ces deux personnages gravitent d’autres personnages intéressants, mais traités plus superficiellement et auxquels je ne me suis guère attachée.
L’univers proposé rappelle l’Europe de l’Est, tout étant imprégné de magie : ainsi, la légende slave de la sorcière Baba Jaga a naturellement trouvé sa place dans l’histoire. Si le rythme du début est assez lent, le récit s’agrémente bientôt de sorts et de malédictions, de créatures surnaturelles, de combats épiques et d’intrigues de cour. Bref, les rebondissements sont nombreux et le souffle de l’aventure est bel et bien là. Je vous laisse la surprise, car il y a vraiment beaucoup de bonnes idées dans ce texte.
La plume de Naomi Novik est fluide et très belle, travaillée mais sans lourdeur. Prise par la magie du récit, j’ai tourné les pages avec enthousiasme, impatiente de découvrir l’ensemble de l’histoire. Cela m'a d'ailleurs donné grande envie de découvrir les autres ouvrages de l'autrice. C’est un roman ensorcelant, qui mérite bien les nombreux prix reçus et qui séduira les lecteurs sans coup férir !
