Alors qu’ils traversent un parc municipal, Adam et ses deux amis Isaac et Ryan se retrouvent sans explication dans un autre monde. Ils se retrouvent rapidement dans les ennuis, mais heureusement le roi Garamei de Mirabilis les prend sous son aile. Il leur propose de les aider à rentrer chez eux s’ils acceptent de s’entraîner au combat.
Ce roman, qui introduit un cycle, a été auto-édité en 2017 avant d’être publié cette année aux éditions De Saxus, qui semblent se faire une spécialité de publier de nouveaux auteurs. On y retrouve un point de départ assez classique en fantasy urbaine : des jeunes gens catapultés dans un autre univers magique qu’ils doivent aider à sauver. En effet, des êtres mal intentionnés conspirent pour mettre fin à la paix entre les cinq Grands Royaumes établie une quinzaine d’années plus tôt. Nos trois héros vont se découvrir dotés de pouvoirs surnaturels supérieurs à la norme, qu’ils vont maîtriser en une progression fulgurante et qui - on le suppose - vont les aider à accomplir leur mission.
Autant prévenir tout de suite : Je n’ai pas aimé cet ouvrage.
La première raison, c’est que j’ai trouvé le récit capillotracté. A aucun moment les péripéties ne m’ont paru crédibles. Les réactions des personnages m’ont semblé artificielles et les enchaînements de situation peu logiques. On devine que le roi Garamei, qui mène la danse, en sait bien plus qu’il ne le dit et que certains de ses choix pour le moins surprenants doivent avoir une explication, mais comme ses révélations finales sont avortées et reportées au tome suivant, on ne peut en être aucunement convaincu.
Le roi Garamei, qui cache trop bien son jeu même à ses amis ou alliés, en devient fort déplaisant.
Mais les trois héros ne m’ont pas paru beaucoup plus sympathiques. Ils sont totalement immatures, comme on peut le constater au travers de réflexions du genre “Moi si j’étais prince, je n’en ferais qu’à ma tête sans me soucier des responsabilités ou des obligations.”. Leurs raisonnements puérils les font paraître vraiment gamins. On ne sait pas trop quel âge ils ont exactement (ils sont qualifiés au fil des pages d’enfants, de garçons, d’adolescents ou de jeunes adultes…), mais les indices laissent supposer qu’ils oscillent aux alentours de dix-huit ans, pourtant ils réagissent parfois comme s’ils avaient cinq ans d’âge mental. De plus, ils ont des attitudes très impolies : tutoiement irrespectueux et insultes grossières envers les inconnus, discours émaillés de vulgarités incessantes, etc. Bref, pas de quoi donner envie de les fréquenter.
L’auteur n’a pas vraiment pris la peine de peaufiner son texte.
Le point de vue narratif alterne entre narrateur omniscient (qui sait ce que les personnages pensent) et narrateur externe (qui constate simplement qu’untel semble être dans tel ou tel état d’esprit au vu des apparences).
Il n’y a aucun souci du détail : pouvez-vous imaginer un village dont une ruelle débouche directement sur un ravin au dessus d’une forêt sauvage et hostile ? une délégation royale qui se déplace en charrettes ? ou même simplement des adolescents perdus en forêt qui allument un feu en un tour de main, alors qu’ils ne semblent pas fumeurs (et donc probablement pas munis de briquets) ?
Sans parler de précisions totalement inutiles, telles “deux grands arbres d’une hauteur de plusieurs mètres” : c’est sûr qu’avec une taille inférieure à deux mètres, ils n’auraient pas été très grands !
Tout cela, j’aurais encore pu passer outre. Mais ce qui m’a radicalement consternée, c’est le style maladroit, avec des phrases bancales dans un français approximatif.
Côté conjugaison, les temps du passé sont régulièrement mal employés, incohérents d’une phrase à l’autre.
A chaque page ou presque, on trouve une tournure avec une préposition incorrecte, un pronom en trop ou d’autres erreurs de ce goût là : “s’y cacher à l’intérieur”, “porter un attachement pour un royaume”, “en faire de même”, “faire abstraction à quelque chose”, “se concentrer à se sortir du piège”, “à l’opposé de l’un et l’autre”, “deux jours s’écoulèrent depuis l’arrestation”...
Certains mots sont sur-employés au point d’en devenir insupportables : j’ai renoncé à compter les occurrences de “compère”, “acolyte” ou “fièrement”.
Sans parler de choix de noms peu inspirés : la “Sordide Guerre” (toujours avec ses guillemets, s’il-vous-plaît !), la ville centrale (pourquoi ne pas dire la capitale ? ou plus simplement lui donner un vrai nom ?)...
Je suis également allergique au langage par trop familier, digne de jeunes des banlieues, employé par les personnages, tous autant qu’ils sont : Je peux concevoir qu’un adolescent lambda dise “Je sais même pas c’est quoi cet endroit”, mais les capitaines royaux ne parlent pas mieux, et même la princesse peut se fendre d’un “Bah alors, père ? [...] Puis c’est quoi cette tête que tu fais ?”. L’omission quasi systématique du “ne” dans les négations, l’élision presque aussi systématique du pronom “tu” (“tu as / tu es” remplacé par “t’as / t’es”) sont caractéristiques de la langue orale populaire, mais ne sonnent pas justes du tout dans la bouche de personnes éduquées.
Ce roman pourra plaire à des adolescents peu sensibles à la qualité de la langue et à la crédibilité des rebondissements proposés, uniquement avides d’aventures dépaysantes. Les lecteurs plus exigeants feraient mieux de s’abstenir.