Les Chroniques de l'Imaginaire

Nada - Headline, Doug & Manchette, Jean-Patrick & Cabanes, Max

En 1972, six personnes d'un groupe révolutionnaire décident de faire un kidnapping. Ils vont enlever l'ambassadeur des États-Unis à Paris. L'opération est bouclée, l'équipe est choisie et prête. Il ne reste plus qu'à convenir d'un plan, s'y tenir et l'affaire est jouée. Les ravisseurs ne manquent pas d'audace, c'est qu'il ne faudrait pas que l'affaire capote, et La Cause demande bien ça... Quitte à effectuer cette mission avec un fêlé, un alcoolique notoire, un désabusé, un caméléon et un paumé, ça fait du gratin. Nada est le nom de ce groupe et cette histoire est la leur.

J'ai découvert Manchette avec son adaptation de Fatale, que j'avais bien aimé, mais pas plus que cela. Cette BD est exactement pareille. Le fils adapte le roman du père et c'est un peu bâtard. On ne sait pas sur quel pied le fils veut danser et cela nuit beaucoup au récit.

Mais paradoxalement, et après avoir mis 80 pages à entrer dans l'histoire, une fois l’enlèvement fait, l'histoire devient nettement plus agréable et c'est pour ça que j'ai bien aimé cette BD. Au delà des dessins qui sont magnifiques mais dont je vais reparler au paragraphe suivant, l'histoire nous montre ces anti-héros dans ce qu'il y a de plus faillible chez eux : la femme de l'un, l'alcoolisme de l'autre, la démesure pour un autre et ainsi de suite.

Les anti-héros ne sont pas tout lisses mais ne sont pas non plus tout méchants. Ils ont un idéal qu'ils cherchent à accomplir. Maintenant, cet idéal c'est l’enlèvement de quelqu'un, qui plus est un diplomate de haut rang, et non pas de Oran. Mais je dois bien dire que le premier tiers passé, je me suis demandé si je n'allais pas fermer cette BD et dire que ce n'est pas pour moi. Les cases s’enchaînaient jusque-là dans l'hommage du genre noir avec ces cases de narrations indigestes au possible. Et puis la lumière divine est apparue ! C'est vraiment à partir de l’enlèvement que la BD prend un nouvel élan. Surtout à cause de petits détails, comme le fait de faire dépasser le flingue de la poche d'un des terroristes qui fait partir la mission en un chaos au travers toute la ville. C'est ça que j'ai aimé, ces petits détails qui font la grande Histoire. 

Chose promise, chose due : les dessins sont magnifiques ! Ils retranscrivent très bien le Paris des années soixante-dix et c'est vraiment beau à voir et à lire. Eux aussi se découpent en deux temps. Dans le premier tiers de la BD, les dessins sont fixes et ne bougent que très rarement, pour coller justement  à l'attente que le plan se mette en place. Et puis ils deviennent plus dynamiques, après l’enlèvement.

Bref, vous l'aurez compris, j'ai bien aimé cette œuvre, mais de là à dire que c'est un incontournable à posséder absolument, il y a un pas que je ne ferai pas. Pourtant elle est remplie de petits moments de grâce mais le premier tiers gâche vraiment la lecture.

Sans ces quatre-vingts premières pages, cette BD aurait clairement été un coup de cœur.