Les Chroniques de l'Imaginaire

Kaplan - Gendron, Sébastien

Kaplan vit au duché du Cushinberg. Vous connaissez ? Sûrement pas ! C’est un micro-état de la taille de la ville de Luxembourg, dirigé d'une main de fer depuis trente ans par le général Dramek. Kaplan, lui, le connaît parfaitement puisqu'il est major dans la force contre-insurrectionnelle du Cushinberg. Et savez-vous pourquoi il existe une force contre-insurrectionnelle ? Non, pas pour s'occuper des basses œuvres exigées par Dramek contre les habitants du Cushinberg, quoique cela se pratique à l'occasion. Non, c'est pour s'occuper du tout petit quartier de Leeton, engoncé au milieu du Cushinberg, qui est entré en résistance au dictateur. Empêché de mater la rébellion de ce quartier manu militari par les instances internationales, Dramek a isolé ce territoire auto-proclamé en république démocratique dans l'espoir de faire craquer les survivants. Voilà trente ans que cela dure.

Moi, je suis Rimbolt, un adolescent habitant Leeton. Comment je connais Kaplan ? Eh bien, parce que malgré mes presque seize ans, je fais partie des forces secrètes de sécurité de Leeton. Et aussi parce que je suis chargé d’empêcher Kaplan d'assassiner notre premier ministre. D'ailleurs, il ne va pas tarder à apparaître, et je l'attends de pied ferme...

Dans un style efficace, Sébastien Gendron nous emmène dans une anomalie géopolitique fictive, mais finalement assez proche du Berlin pendant la Guerre Froide. Leeton est un quartier touristique transformé en bastion de la démocratie face à un ogre totalitaire implacable, mais empêché de prendre Leeton par la force. L'ambiance au Cushinberg est oppressante, surtout lorsque que Kaplan se trouve contraint d’accepter la mission suicide. Mais quand Kaplan se rend à Leeton, la représentation idyllique de cette démocratie se craquelle au fil des pages. En effet, la résistance acharnée à Dramek ne s’est pas faite sans concessions à l'idéal politique d’une démocratie, alors que dans le Cushinberg les personnes loin des coulisses du pouvoir jouissent d’une vie paisible et sûre. C'est ce que l'on découvre au fil des pages, rien n’est comme on nous le présente au premier abord. Tout ce que l'on prend pour une certitude au début d'un chapitre, d'une page, peut être fragilisé, voir contredit à la fin de celui-ci (sauf peut-être la légendaire cruauté du général Dramek). Cette incertitude, qui donne son intérêt au roman, oblige néanmoins à le lire attentivement pour bien suivre les événements qui surviennent autours de Kaplan. Pour appuyer cette ambiance, la sombre besogne de Kaplan est rapportée par Rimbolt. J'ai apprécié, mais sa manière d’expliquer tout, même les pensées de Kaplan, donne un style monsieur-je-sais-tout qui peut ne pas plaire à tous.

Avec Kaplan, Sébastien Gendron exploite avec habileté le syndrome de Stendhal et délivre un roman d’espionnage exigeant mais dont les rebondissements vous tiendront en haleine jusqu’à la dernière page.