Les Chroniques de l'Imaginaire

Les derniers jours du Nouveau-Paris - Miéville, China

La guerre n'en finit pas. Traduisez : en 1950, la France est toujours occupée, au moins en ce qui concerne ce qui n'est plus Paris, mais Nouveau-Paris. Depuis l'explosion de la bombe S aux Deux Magots, des oeuvres d'art surréalistes s'opposent aux Allemands. Ceux-ci tâchent de s'y opposer en utilisant des démons, mais ceux-ci sont difficiles à contrôler. Thibaut vient de perdre tous ses camarades de lutte quand il rencontre Sam, une sorte d'espionne photographe, qui semble pouvoir se déplacer un peu trop facilement.

Dans ce roman foisonnant, bien que court, Miéville met en scène la Résistance menée non seulement pas les hommes, mais par leurs oeuvres, et surtout les plus opposées à l'Ordre Nouveau. C'est étourdissant de culture, et cette dérive onirique du personnage central dans un Paris occupé ne manque pas pour autant d'action. D'une certaine façon, ce roman m'a évoqué The City & the City, comme lui situé entre deux genres, et entre deux réalités. Je l'ai classé en SF (c'est de l'uchronie, somme toute !), mais j'aurais aussi bien pu le classer en urban fantasy, ou en fantastique... ou en littérature générale. Après tout, où classons-nous Les Chants de Maldoror, ou les oeuvres de Breton ?!

L'auteur s'est amusé à brouiller les pistes, et les bornes de son roman, de la même façon que les surréalistes brouillaient les limites de la "réalité", et c'est aussi ce qui fait de son roman un OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) qui n'est sans doute pas à mettre entre toutes les mains. C'est sans doute vrai de tous ses romans, mais encore davantage de celui-ci. A propos de ce brouillage, je me suis interrogée sur ce très bref moment, dans la postface (p. 216), où l'auteur parle de lui-même au féminin. Erreur de cette excellente traductrice qu'est Nathalie Mège ? J'ai du mal à le croire. 

Au moment où la Seconde Guerre Mondiale tend à perdre de sa réalité concrète dans l'imaginaire collectif, je trouve particulièrement pertinent un tel roman, qui lui donne des allures de conflit archétypique, entre différentes notions de ce que doit être la réalité.