Sans un sou en poche, Myriame ne peut guère qu'accepter le contrat que lui propose la Zuidertoren dans ses locaux parisiens. Ce n'est qu'un CDD sous-payé, dans un vieux bâtiment insalubre et avec un flicage intensif de la hiérarchie, mais un boulot reste un boulot et elle ne peut guère faire la fine bouche.
Par messagerie interposée, Myriame fait la connaissance d'un homme haut placé dans l'organisation, Duncan Vane, alias lord Angus. Très curieux, celui-ci veut tout savoir de la jeune femme, mais seulement par écrans interposés. Il semble rechigner à une rencontre in real life. Séduite, Myriame a pourtant conscience de jouer avec le feu avec cet homme pour le moins mystérieux qui évite de parler de lui-même : "l'histoire qu'il vient de me servir est si bancale que mon cerveau s'est tordu la cheville" (p. 111).
Bientôt, Myriame découvre que Vane n'est pas humain : c'est un lémure, l'esprit d'un mort qui hante les lieux de son décès. Peu à peu, il initie Myriame aux secrets du monde de la nuit. Mais marcher aux côtés des dieux est dangereux pour les humains. Surtout quand ceux-ci cachent également de sombres secrets...
J'ai été un peu surprise au début par le tour que prenait le roman. Quoi ? Une simple romance entre un être surnaturel vieux et puissant et une petite ingénue, surpris par un coup de foudre réciproque ? Cela avait comme un soupçon de déjà vu, et surtout ce n'était pas du tout ce que j'attendais sous la plume de cette autrice à la plume acérée, capable de bien plus d'originalité.
Pendant les deux premiers tiers du roman, je suis donc restée dubitative. Certes, la plume est belle justement, avec son humour mordant, et cela suffit à rendre attrayante cette présentation moqueuse du monde du travail et de la différence de statut entre les besogneux remplaçables de la base et les aristocrates pur jus de la direction, froids et hautains. Le style est travaillé, parfois surprenant par son côté haché, qui je suppose cherche à refléter les pensées désordonnées de la narratrice Myriame : "Mais je ne crois pas que. Le contrôle soit le. But du jeu." (p. 222). La lecture est plaisante, les pages se tournent toute seules, même quand on trouve le contenu un peu creux.
On peut également noter l'amour certain qui transparait dans le texte pour Paris et ses vieux murs, ses monuments, ses catacombes... Les visites détaillées de l'envers du décor de certains endroits connus pourront plaire à certains, mais m'ont laissée résolument froide, moi qui en bonne provinciale suis allergique à notre orgueilleuse capitale.
Grosso modo, pour moi, il manquait quelque chose. Ce quelque chose finit cependant par poindre le bout de son nez, et alors patatras, on prend une baffe, ça part à tout va et on reconsidère tout ce qu'on a lu jusque là. Le rythme s'accélère, la tension monte, le malaise s'installe jusqu'à un final déconcertant. Effet réussi !
Ne vous laissez donc pas tromper par cette fausse apparence de romance fantastique assez classique qui imprègne tout le début du livre, malgré les pointes de causticité : c'est bien à un ouvrage signé Catherine Dufour que vous avez affaire. Lisez-le entièrement et vous découvrirez un roman singulier, une vraie bonne surprise !