Les Chroniques de l'Imaginaire

Deaf (La trilogie des Singes de la Bêtise - 3) - Kochmann, Joseph

Quelle difficulté pour moi de chroniquer un tel roman ! Sur Internet, tout le monde s’accorde à l’encenser, il ne récolte partout que d’excellentes notes et des commentaires dithyrambiques. Mais, même si je suis parfaitement consciente de l’extrême qualité d’écriture et de construction de Joseph Kochmann, je n’ai pas adhéré à ce roman. Certes, comme beaucoup le disent, je ne l’oublierai pas. Mais pas pour les mêmes raisons !

C’est déjà très difficile de le résumer, car on ne peut pas en dévoiler la trame. Il faut laisser au lecteur la surprise.

Mais essayons :

Ce roman raconte l’histoire de Deaf, un roi-tyran sourd qui terrorise son peuple. Manon, une jeune adolescente téméraire, mène la Résistance. Mais leur tâche est bien difficile et bientôt tous sont massacrés par le roi, ou par des oiseaux étranges qui crachent une substance noire. D’autres adolescents, comme Camille ou Eric le petit ami de Manon, tentent de comprendre ce qu’il se passe.

Edward est un jeune homme sérieux, qui adore lire. Une force étrange le pousse à acheter un vieux roman poussiéreux, Cœur Mort. Mais la lecture va être difficile, tant il est mal écrit. Cœur Mort raconte les histoires de plusieurs adolescents, dont certains ressemblent à ceux qu’Edward connait. Mais c’est tellement mal écrit qu’il s’énerve de plus en plus contre son auteur. D’ailleurs, celui-ci a un nom vraiment bizarre : Le Scribouillard. Edward tente de rendre le livre, de le jeter, d’en arrêter sa lecture, mais tout cela s’avère impossible.

Au fil des pages, les histoires racontées dans Cœur Mort et dans Deaf vont se mélanger, jusqu’à me perdre complètement. Mais tout cela est très habilement fait, car même si je suis loin d’avoir tout compris, j’ai apprécié la prouesse de l’auteur qui a su mêler et emmêler toutes ces/ses histoires.

Lorsque tous les personnages se rencontrent, les combats s’intensifient, la violence aussi. Les corbeaux, appelés « Pression » (qui ne prend pas de "s" au pluriel, pour une raison que l’on découvrira plus tard), s’acharnent sur Manon, Edward, Lance, Camille et tous les autres personnages que je ne peux pas citer ici, tant ils sont nombreux (et je ne me souviens pas de tous). Je ne dois pas oublier non plus de parler de la secte de Gabriel Fane qui enrôle les gens. Ceux-ci sont habillés d’une tunique sombre, défilent sur la marche de Radetzky et ne jurent que par l’Œil, cette entité étrangement menaçante.

Tout comme dans Mute et dans Blind, les deux romans précédents de l’auteur, on sait qu’on va découvrir un univers qui n’est pas celui que l’on croit lire. Ici, on comprend assez rapidement de quel univers il va s’agir. Mais la surprise reste tout de même grande lorsqu’on comprend comment tout s’enchaine, et comment les deux précédents romans sont intégrés à celui-ci, pour boucler la boucle. Même si je n’ai pas particulièrement aimé ce roman dans sa globalité, j’ai particulièrement apprécié certaines choses, comme par exemple, la révélation de ce qu’est l’Œil, pourquoi les horribles créatures-corbeaux s’appellent Pression (sans le "s"), l’univers final, les critiques littéraires très intéressantes et instructives d’Edward sur la nullité de l’auteur de Cœur Mort, l’identité du Scribouillard. Seul mystère non résolu : pourquoi une telle fascination pour les nombres 24 et 26 qui reviennent sans cesse ?

Ce roman contient beaucoup de violence, mais aussi beaucoup d’ironie et de dérision. On ressent bien que ce dernier tome de la Trilogie des Singes de la Bêtise a permis à son auteur de mettre un point final à quelque chose qui le concerne très personnellement.

Je suis partagée entre mes difficultés à comprendre les situations, à me souvenir de qui est tel ou tel personnage, à supporter les scènes de violence et de combat trop nombreuses à mon goût, et mon admiration devant les révélations, la construction très habile, la finalité. Voilà pourquoi il m’est très difficile de faire une chronique de ce roman hors norme.

J’aurais vraiment adoré l’adorer.