Les Chroniques de l'Imaginaire

Des braises sous la cendre (Duel - 1) - D., Maëlle

Pour gagner un procès désormais, il n'importe plus d'être dans son bon droit : il faut simplement être représenté par le meilleur combattant. La profession de duelliste judiciaire est violente, bien souvent mortelle, et du coup pratiquée seulement par les hommes. Pourtant, Heza est bien décidée à se faire accepter à l'Institut, qui forme les futurs duellistes. C'est pour elle le seul moyen d'accéder un jour aux archives, dans lesquelles elle espère trouver des indices lui permettant de retrouver sa sœur Adara. Celle-ci a été enlevée quelques années auparavant, à la suite de quoi Heza a dû survivre seule dans la rue, revivant toutes les nuits le cauchemar de la disparition de sa sœur.
Les débuts de Heza à l'Institut sont difficiles, la jeune pionnière se faisant moquer de toutes parts par ses camarades persuadés qu'une femme n'a rien à faire là. Bientôt, elle échappe de peu à des adversaires puissants et déterminés, mais qui restent mystérieux. Qui lui en veut ? Heureusement, Heza peut compter sur son ami de toujours, son presque-frère Ajit, mais également sur ses nouvelles connaissances, et notamment son maître d’apprentissage Moran, ancien duelliste exceptionnel.

Je me demande fréquemment pourquoi je persiste à lire des ouvrages auto-édités, alors que je les trouve bien trop souvent laborieux. Heureusement, on trouve parfois parmi cette profusion inégale des ouvrages de qualité, et c'est le cas ici, avec le meilleur roman auto-édité que j'aie lu depuis fort longtemps. Un roman qui ne dépareillerait pas dans les publications d'un éditeur professionnel.

L'autrice nous plonge dans un univers post-apocalyptique. Suite à la Grande Guerre entre les humains et les Faes, les hommes se sont réfugiés dans des Forts pour assurer leur survie. Les pyromances, des magiciennes aux grands pouvoirs liées aux grandes Familles, assurent la défense de ces enceintes protégées. Si les nobles et bourgeois ne tirent pas trop mal leur épingle du jeu, ce n'est pas le cas des pauvres, les Gris, dont la dette les asservit aux puissants dans une forme d'esclavage à peine déguisée. Des dettes qui se transmettent de génération en génération, empêchant les Gris de sortir de leur funeste condition. Les puissants connaissent encore le confort de certains objets modernes comme la télévision ou les automobiles, mais les Gris sont retombés dans une existence misérable de type moyenâgeuse.

Dans ce monde où l'injustice fait loi, le système judiciaire a été totalement refondu, les différends se réglant par des duels. C'est la loi du plus riche, puisque l'argent permet d'engager les duellistes les plus doués. Cette idée n'est pas neuve, puisqu'elle était déjà à l'honneur par exemple dans Les couleurs de l'acier, premier volume de la trilogie Loredan de K.J. Parker (parution VO 1998 / VF 2005), ou plus récemment dans La république du Point d'honneur, tome 1 de la série BD Horacio d'Alba, par Le Gris & Siner (parution en 2011). Elle est cependant bien exploitée, et combinée à des éléments futuristes (survie post-apocalyptique) et fantastiques (magie faerique), cela donne un univers fort plaisant à découvrir.

Les personnages sont très sympathiques. Heza est une jeune femme volontaire et déterminée, mais pas exempte de défauts, ce qui la rend attachante. Ajit est l'ami fidèle malgré les disputes incessantes, même s'il sort parfois du cadre étroit de ce cliché. Quant à Moran, le célèbre Ange Noir, c'est un combattant hors pair, aussi beau qu'il est doué, et qui fait craquer toutes les filles. Sauf que lui n'est intéressé que par sa nouvelle élève, une romance qui prend son temps pour s'installer mais qui est là et bien là. N'oublions pas non plus Mira et Jo, les étudiants en médecine que Heza est amenée à rencontrer souvent, et on a fait le tour du petit groupe d'amis. Mais tous ne sont pas aussi lisses qu'il y paraît, chacun cachant ses mystères...
Mais attention : dès le prologue, nous sommes prévenus ! Heza, cette jeune fille que l'on apprécie, qui ne rêve que de sauver sa sœur, va devenir d'ici une vingtaine d'années un tyran impitoyable, sans considération pour ses amitiés passées. Le lecteur ne peut que s'interroger sur ce qui va se passer d'ici là, et cette connaissance du futur teinte la lecture d'un relent d'amertume pas désagréable.

L'écriture est fluide, très agréable à lire, et j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette histoire. On trouve une poignée de coquilles, mais vraiment très peu, pas de quoi gâcher la lecture. Le rythme est excellent, enchaînant les rebondissements pour que le lecteur ne s'ennuie jamais même dans les moments les plus calmes.

Terminons cependant par un petit bémol sur le format numérique : mes différentes applications de lecture n'arrivent pas toujours à afficher la couverture (par expérience, je dirais que le format de l'image est trop gros, mais je peux me tromper) ; le texte aurait été plus lisible avec une justification au carré plutôt qu'un alignement à gauche ; enfin, il aurait été bon d'indiquer quelque part dans l'ouvrage le numéro ISBN. Rien de bien grave cependant, comme vous pouvez le voir !

J'ai donc été très contente de découvrir ce roman qui m'a beaucoup plu, et j'espère avoir bientôt l'occasion de lire la suite ! Bravo Maëlle D., continuez comme ça !