Les Chroniques de l'Imaginaire

Chanur (Chanur - 1) - Cherryh, Carolyn J.

Pyanfar Chanur est la fière capitaine du vaisseau spatial L’Orgueil de Chanur. Comme les autres membres de son peuple, les Hanis, Pyanfar est à la tête d’un équipage purement féminin et arpente l’espace pour marchander des produits et enrichir son clan resté sur la planète-mère et gouverné par un mâle, son frère. Bien qu’éloignés, le frère et la sœur peuvent drastiquement influencer leur vie mutuelle. Pyanfar peut attirer l’opprobre sur son clan et même causer la chute politique ou la mort de son frère si elle ne prend pas garde à l’étiquette et aux alliances qu’elle noue au loin. Le pouvoir de nuisance de Kohan, le frère de Pyanfar, est a priori bien moindre… si ce n’est qu’il vient justement de confier à Pyanfar sa fille préférée, l’insouciante et un brin insolente Hilfy. 

Pyanfar n’aurait en temps normal aucun mal à contenir l’adolescente mais voilà que le chaos se déchaîne soudain sur elle. Une créature inconnue est montée à son bord, après avoir fui une autre race extraterrestre, les Kifs. Ces derniers, des pirates de l’espace fourbes et carnassiers, avec lesquels Pyanfar entretient des relations déjà compliquées, veulent absolument la récupérer. Or, la créature semble douée de raison et avoir été torturée par les Kifs. Les gestionnaires de la station, les Shtos, semblent savoir quelque chose et peut-être même couvrir les agissements des Kifs. Les Mahendo’sat disent au contraire vouloir aider les Hanis mais cachent également trop de choses au goût de Pyanfar. Quant à savoir ce que les méthaniens - les T’ca, les Chi et les Knnn - pensent !

Pyanfar ne peut se résoudre à livrer la créature et se trouve alors embarquée bien malgré elle dans un imbroglio politique et militaire à même de menacer son vaisseau, son équipage, son clan mais aussi tous les Hanis.

Cette intégrale de Chanur contient les trois premiers volumes de la série : Chanur, l’Épopée de Chanur et la Vengeance de Chanur. Si la série comprend cinq volumes au total, elle ne contient que trois histoires : le premier tome peut se lire de manière indépendante, le second commence peu de temps après la fin du premier tome et doit absolument être lu avec le troisième tome puisqu’il s’arrête en pleine action, sans résolution de l’histoire. Les deux derniers tomes, non présents dans cette compilation, forment également une seule et même histoire devant être lue d’un trait pour être comprise.

L’univers de Chanur est très travaillé ! On s’y perd parfois au début entre toutes les espèces extraterrestres et les complexes relations qu’elles nouent entre elles. Heureusement, un lexique en fin d’ouvrage permet de se remettre les idées au clair. Si certains auteurs s’attardent sur la poésie de la découverte spatiale ou nous décrivent en détail la faune et la flore d’autres planètes, il n’en est rien dans Chanur.

La narration, externe, se concentre sur Pyanfar ou sur des Hanis pour qui tout cet environnement est normal et n’a donc pas lieu d’être décrit dans le détail, que ce soit au niveau des paysages ou des autres espèces qui y vivent. C’est en grande partie ce qui rend l’immersion difficile. Pyanfar et les autres Hanis ont une logique qui leur est propre, fortement influencée par le fonctionnement ségrégé de leur société. Bien que cette influence s’estompe au fil des tomes et de leur ouverture à d’autres cultures, certaines de leurs réactions restent dictées par une culture « autre » à celle que nous connaissons et paraissent donc étranges ou, pour le formuler plus clairement, « inhumaines ». À mesure qu’on en apprend davantage sur leur culture, il devient plus facile de comprendre les motivations des personnages et de s’attacher à eux. Cette possibilité d’identification est renforcée par le fait que certains traits de cette culture sont bien évidemment inspirés de cultures humaines existantes. La manière dont les femelles hanis traitent les mâles n’est pas très éloignée de celle dont certains hommes peuvent traiter les femmes dans notre propre monde.

L’action est au rendez-vous : des vaisseaux se battent, des stations spatiales sont attaquées…mais ces scènes sont au final bien moins élaborées et engendrent une tension bien moindre que les séquences de jeu politique et diplomatique. Ce sont bien dans ces passages que se joue l’avenir du clan Chanur, de la créature et des Hanis.

Cette série repose donc principalement sur de l’ethnologie et n’est pas dépourvue de messages politiques sous-jacents, notamment féministes. Je recommande personnellement de se plonger directement dedans – comme à la mer – même sans tout comprendre car c’est une série qui gagne à être connue malgré sa complexité.