Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 209)

A peine lu l'éditorial, et sachant en conséquence qu'un article consacré à Dune, de Frank Herbert, figurait dans la revue, je m'y suis immédiatement jetée. Ecrit par Elodie Daniélou, et consacré aux épigraphes qui précèdent chaque chapitre, il explique de façon brillante leur rôle, et notamment comment ils créent, ou pour le moins contribuent à créer, de façon extrêmement économique et élégante, l'épaisseur spatio-temporelle du célèbre space-opéra. C'est absolument passionnant, donne à réfléchir... et m'a fait venir l'envie à peu près irrésistible de replonger dans la saga ! D'autres articles critiques de cette qualité seraient à mon avis très bienvenus dans Solaris. Non qu'ils manquent au sens strict, vu l'excellent niveau habituel de la publication, mais un tel exemple de ce qui est possible donne le goût d'en lire d'autes.

Le volet Fictions de la revue québécoise est plutôt moins étoffé que d'habitude, vous y trouverez :

Bis, de Sébastien Chartrand : des gens venus d'une période comprise en 1960 et 2030 se retrouvent autour de 1995. On voit dans ce texte un groupe de soutien à ces chronomigrants, qui fournit le cadre au récit de vie de deux d'entre eux. J'ai beaucoup aimé cette nouvelle, au thème original (pas celui du voyage dans le temps, mais de ce "regroupement" d'une large période d'origine, qui permet la création de mots comme "antémigrant" et "postmigrant", par exemple). Les personnages sont crédibles, et l'univers, cohérent, est finement construit.

Les vacances disloquées, de Frédérick Durand : le narrateur part en famille chez ses beaux-parents, mais la perfection de sa vie va sombrer sur les écueils de mésaventures successives. Le thème n'est pas inintéressant, mais j'ai trouvé les personnages plats, les péripéties téléphonées, et en somme je ne suis pas vraiment arrivée à entrer dans cette nouvelle.

Sombre coeur chaud, de Rich Larson : quand Noel revient chez lui, après cette terrible tempête de neige où il a cru mourir, pendant son séjour chez les inuktitut, il ne faut pas longtemps à sa femme pour se rendre compte qu'il y a un problème. La progression de l'intrigue est le grand point fort de cette histoire effrayante, qui vous empoigne pour ne plus vous lâcher, jusqu'à une fin qui pour le coup m'a semblé un peu plate. Brrrr !

A la recherche de Snoopy, de Mario Tessier : un archéologue spatial part récupérer le dernier artefact représentant l'époque du programme Apollo, le LEM "de répétition" baptisé Snoopy. Le Futurible préféré des lecteurs de la revue revient ici en tant que nouvelliste, pour mettre en fiction une partie de l'histoire spatiale humaine, en y expliquant l'importance de la préservation des pas accomplis.

Et justement, Mario Tessier consacre cette fois-ci ses Carnets du Futurible à la musique. Intitulé La Symphonie fantastique, ou les instruments musicaux imaginaires, l'article répertorie ces instruments qui n'ont eu d'existence que littéraire, du piano à chats à la syringe sensorielle (dans Nova, de Delany), en passant par la balisette (dans Dune, de Herbert, justement) et la lyre vulcaine (dans Star Trek).

J'espère qu'il deviendra possible dans un avenir pas trop lointain de se procurer en France sans y laisser sa chemise ces deux livres que j'ai trouvé affreusement tentants parmi la riche sélection critique de ce numéro, à savoir Nés comme ça, de Dave Côté, dont j'ai découvert la plume dans Solaris, et que j'ai envie de lire davantage, et Coyote, de Patrice Cazeault, dont l'originalité ne peut qu'attirer mon attention.

En résumé, un numéro de la revue un peu différent des autres, mais nonobstant tout à fait intéressant et agréable à lire.