Tanit Murali et Padmé Amrithar sont toutes deux sorcières. Elles se sont associées, alors même qu'on ne saurait imaginer deux personnalités plus différentes : Tanit est une guerrière, dont le sport de détente favori est la savate, et pour qui l'argent est beaucoup plus important que le respect strict de la loi. Padmé, en revanche, ne boit que du thé, est chirurgien pour un hôpital destiné aux déshérités, et vit seule avec sa fille dans une jolie maison.
Leur agence de défense des humains contre les êtres surnaturels fonctionne bien. Si bien que Padmé n'est pas vraiment contente que Tanit ait accepté la clientèle de Mr Stanford, un industriel qui a remplacé tous ses ouvriers par des zombies, dont l'usine fait l'objet de sabotages fréquents, et qui s'est persuadé que c'est à cause d'une malédiction : certes, il paie bien, mais elle redoute le prix métaphysique à payer éventuellement, non seulement pour leur client, mais aussi pour elles, par ricochet.
C'est encore Tanit qui accepte un client hors du commun : un vampire qui se plaint d'avoir été contraint par un sorcier de s'implanter dans un corps humain récemment décédé, et qui veut retrouver sa liberté. Après tout, pourquoi ne devrait-on pas, de temps en temps, défendre les êtres surnaturels contre les humains, pour changer ?!
Ainsi commence ce roman bondissant, écrit en faisant alterner les points de vue des deux sorcières. Toutes deux ont une histoire, qu'on découvre au fil des pages, en plus d'une personnalité très affirmée, ce qui fait qu'on sait toujours qui parle. L'action a un bon rythme, n'essoufflant pas le lecteur, du fait que les intrigues habilement entrelacées exigent des deux héroïnes qu'elles fassent le point régulièrement, avec cognac et thé, pauses bienvenues mais intéressantes en elles-mêmes. De la même façon, le personnage de Jihane, la fille de Padmé, permet non seulement d'en découvrir davantage sur sa mère, mais ajoute des touches d'humour, et l'apparition d'une catégorie particulière d'êtres surnaturels qu'elle semble capable de s'attacher.
L'Asie semble à la mode dans la fantasy actuelle, je pense par exemple aux Chroniques de l'étrange de Romain L'Huissier, et la Jarta imaginaire où se déroule le présent roman peut évoquer plusieurs villes extrême-orientales. Mais il ne s'agit d'aucune précisément, ce qui laisse à l'auteure une plus grande liberté dans la topographie... et les occupants, bien sûr.
J'ai pris plaisir à lire ce roman sympathique, et j'espère que sa suite, L'échiquier de jade, parue récemment chez ActuSF, passera également au format poche. C'est vraiment de la bonne littérature de distraction, et ce roman juste assez déjanté mais pas trop devrait plaire à un grand nombre de lecteurs-trices.
