Le rouleau compresseur de l'Empire Albârien a écrasé maints mondes. A présent, le tour d'Ushtâr est arrivé. Le gouverneur Pete Yrg-Sen sait ce qu'il a à faire : passer la Mémoire dont il était le porteur à la Matria Pi-Yan, puis disparaître. Pi-Yan n'en sera toutefois que la dépositaire, en attendant que l'un des Infants ait passé l'épreuve qui le ou la désignera comme le porteur suivant. Mais l'Empire craint ce que d'anciens textes nomment "l'Arme-Vie", et au moment de leur transfert vers un lieu plus sûr, tous les Infants sont massacrés, à l'exception de la jeune Gul-Yan.
Celle-ci s'enfuit et trouve refuge dans la basse ville de Shan-Law, auprès des Oubliés. Mais l'Empire la recherche, comme le Nadjam Joon One, un clone soldat d'élite qui a éliminé un précédent porteur de Mémoire, quand il a abordé dans l'espace le vaisseau qui transportait les réfugiés. Depuis, il sait qu'il n'est plus exactement ce qu'il était.
J'ai hésité dans le classement de ce roman : si ses éléments constitutifs me faisaient pencher vers la SF, d'autres me semblaient plutôt appartenir à la fantasy. Parmi ces derniers, je dirais la nature de l'arme dont il est question, la structure féodalo-religieuse des entités politiques présentées, et surtout le style de la narration, qui m'a plus que tout évoqué Salammbô, dans un univers à la Frank Herbert. C'est un mélange qui peut sembler curieux, mais qui fonctionne néanmoins.
Les personnages m'ont semblé sans grande surprise, mais ils sont cohérents, et non dénués d'épaisseur, notamment Salaram. J'ai bien aimé le rythme, soutenu sans être haletant. J'ai toutefois été déçue par la fin, à mon sens bien trop rapide et trop "fantasy-iste" pour moi : du moment où l'on découvre l'Arme, à propos de laquelle les explications manquent de façon quasi totale, c'est pratiquement terminé, alors que j'aurais vraiment aimé savoir ce que deviendront les relations entre le Prince, l'Oligarque et le Dhôm. Bien sûr, le roman est sur Ushtâr, et l'évolution de ce qui n'a jamais été vraiment une utopie, mais je trouvais l'Empire au moins aussi intéressant, et je suis frustrée en ce qui le concerne. En revanche, la mise en scène des différentes réactions face à un conquérant militairement écrasant est finement réalisée.
En somme, ce roman est une bonne surprise, d'une autrice que je ne connaissais pas, mais dont je guetterai les prochaines sorties.