La Sun-Ken Team est au monastère du mont Ji-Ri pour s’endurcir. Dire que les conditions de cet entrainement quasi-militaire sont dures est un euphémisme. Réveil à l’aube, footing dans les bois jusqu’à épuisement, parcours du combattant, descente de falaises en rappel, séance de frappes sur des rondins de bois brut, maniement du couteau sont le quotidien de Ken et de ses compagnons, sous la houlette des moines et de la déconcertante Kae-Lyn. En plus de cela, les conditions de vie sont spartiates : bol de riz complet et légumes sauvages (les moines ne mangeant pas de viande), un trou aménagé pour seuls toilettes. Mais ce n’est rien face à la fureur du maître Bae-Dal qui n’a qu’un seul objectif, les faire craquer. Ken, refusant obstinément d’abandonner, devient alors son souffre-douleur. Heureusement, Marin connait quelques techniques pour attraper des petits animaux dans les bois, ce qui permet aux compagnons d’infortune de se réconforter avec quelques repas improvisés autour d’un bon feu de camp.
La retraite de Sun-Ken Team est longue, très longue. En fait, elle dure presqu’une année. Pendant ce temps, la femme dont Ken est secrètement amoureux, Yumin, a d’excellent résultat dans son travail de policière à Séoul. Elle est même convoquée par un le séduisant procureur Gan, qui est en train de mettre en place une équipe spécialisée dans la lutte contre les gangs…
Les deux tomes réédités dans ce livre imposant illustrent l’entrainement de Ken et de son gang, ainsi que les premières semaines de son retour à Séoul. Et, comme le montre la magnifique couverture, ça va saigner ! Mais je ne vous en dis pas plus pour vous laisser le même plaisir que moi j’ai eu à le découvrir. Car en feuilletant les premières pages, j’y ai vu un jeune homme à la coiffure blonde et hirsute qui s’entraîne dans un monastère. Il devient une masse de muscles et il ne va pas tarder à cogner des adversaires bien plus nombreux que lui. Est-ce un ersatz de San Goku en plus moderne ? Et bien non, pas du tout. Bien que reprenant les codes d’un seinen, l’histoire est nettement plus complexe. Ken est un jeune homme fondamentalement bon qui devient par la force des choses un "Jo Pok", membre de la mafia Koréenne. Néanmoins, il ne perd pas son sens des valeurs, il tente de garder son côté juste dans un environnement qui ne l’est pas. Cette complexité se retrouve dans presque tous les personnages principaux. On découvre que Yumin a un passé compliqué, et elle n’est pas aussi douce et innocente qu’on l’imagine. Tae-So reste bien mystérieux. Sans se mettre en avant, il a une grande influence sur les actes de Ken, son boss, frôlant même la manipulation. Boichi n’hésite pas non plus à aborder des sujets plus graves en dénonçant certaines collusions entre les hommes politiques et les mafieux japonais ou coréens, qui justifient, d’une manière paradoxale, leur attitude par une forme de participation active à l’économie nationale.
Ce qui frappe également, c’est le style graphique de Boichi. Ou plutôt ses styles graphiques. Les scènes de combats sont un pur concentré d’énergie, alliant expressions magnifiques des combattants et des mouvements fougueux. La seconde partie de l’ouvrage, consacrée à Yumin, est plus sombre. Dès lors, le style de Boichi s’adapte par l’utilisation de cases en clair-obscur et d’images beaucoup plus sanglantes et (plus que) sexy. Mais toujours, les décors servant de cadre à Sun-Ken rock sont extrêmement bien restitués. Il suffit pour s’en convaincre de les comparer aux photos disponibles dans les bonus. Enfin, les planches sont parsemées de caricatures (bien plus que les dix pour cent annoncés par l’auteur) qui font mouche à chaque fois.
Malgré un prix élevé, la réédition de Sun-Ken rock dans cette version deluxe, avec une couverture rigide magnifique et un format plus grand mettant en valeur les cases de l’œuvre majeure de Boichi, est une réussite. N’hésitez-pas à vous le procurer sans tarder.