Les Chroniques de l'Imaginaire

L'âge de cristal, suivi de Retour à l'âge de cristal (L'âge de cristal) - Nolan, William Francis & Johnson, George Clayton

Dans le futur, à l’âge de cristal, les périodes de la vie sont soigneusement décomptées par un cristal, implanté dans la main de chaque individu dès sa naissance. On est enfant jusqu’à sept ans, puis adolescent et enfin adulte à partir de quatorze ans. À vingt-et-un, le cristal s’assombrit et la vie doit s’achever. La plupart choisissent bien sagement le sommeil, une euthanasie, mais quelques jeunes veulent croire en une vie plus longue et s’enfuient en quête d’un mythique Sanctuaire. Des Limiers sont chargés de les abattre. 

Logan est l’un d’entre eux. La veille de ses vingt-et-un ans, l’un des fugitifs qu’il traque lui remet une clef susceptible de le mener au Sanctuaire. Logan décide alors de suivre ce jeu de piste dangereux pour trouver le Sanctuaire et peut-être le détruire. Il croise sur sa route Rebecca, une jeune fugitive, qui va ébranler ses certitudes sur la justesse du fonctionnement de son monde.

Le Retour à l’âge de cristal se fait dans un univers métamorphosé. L’ordinateur central gérant tous les besoins de la population a été endommagé. Les cristaux ont cessé de fonctionner, ne condamnant plus à une mort certaine passé vingt-et-un ans. Cependant, toutes les autres aménités ont également disparu. Ce nouvel effondrement de la civilisation, sur fond de guerres de gangs, va pousser nos héros dans leurs derniers retranchements pour survivre. Il va aussi leur falloir décider de faire des choix plus politiques pour envisager l’avenir.

La réédition proposée par les éditions J’ai lu nous fait découvrir L’âge de cristal et sa suite, Retour à l’âge de cristal, dans un même volume. La série comprend en tout cinq tomes, dont les trois premiers ont été publiés dont deux traduits en français. L’auteur William F. Nolan, toujours en vie, attend depuis de nombreuses années un remake de l’adaptation cinématographique de L’âge de cristal plus fidèle à ses écrits pour publier l’ensemble. À la lecture de ces deux premiers tomes, on ne peut qu’espérer que le remake voie le jour ! 

L’âge de cristal nous emmène à la découverte d’un monde qui pourrait paraître idyllique. Tous les besoins de la population sont en effet gérés par un ordinateur central, le Penseur. On ne travaille que trois heures par semaine, on voyage beaucoup, les loisirs sont omniprésents et la sexualité libre. Pourtant, les concessions faites pour maintenir ce mode de vie sont glaçantes : une vie brève, pas d’attachement familial en raison de crèches automatisées, ni amoureux. Au final, il s’agit d’existences hédonistes mais solitaires. Les multiples indices à suivre pour gagner le Sanctuaire nous font peu à peu découvrir différents endroits de ce monde, tous très glauques. Ce roman n’est pourtant en rien descriptif. D'ailleurs, ne vous attendez pas à de longues réflexions philosophiques ou à un univers de grande profondeur ! Il s'agit avant tout d'un roman d'aventures. L’action y est trépidante, avec une véritable course contre la montre des protagonistes, pour gagner le Sanctuaire avant que les Limiers ne les rattrapent.

Logan, le héros, est un personnage torturé. Des flash-backs nous révèlent son passé, son enfance sans affection humaine comme celle de tous les autres enfants de son époque, son désir d’être un Limier, ses remords étouffés peu à peu. Logan nous montre à quel point le contrôle social peut-être fort et pousser à commettre des actes irréparables – le meurtre de fugitifs – au nom de ce qu’on croit être une juste cause. Cette emprise de la norme sociale se retrouve également fortement auprès des personnages anonymes croisés au fil des pages et prêts à dénoncer les fugitifs dans des scènes qui ne sont pas sans rappeler Fahrenheit 451

Les personnages secondaires sont animés d’ambitions plus tranchées, soit dans le camp des Limiers avec parfois un réel plaisir à traquer ses proies, ou dans le réseau du Sanctuaire, qui aident les fugitifs comme ils le peuvent. Mon seul regret est de ne pas en savoir davantage sur les raisons qui ont poussé Rebecca à devenir une fugitive, sur ce qui a pu briser pour elle l’idée qu’il était normal de mourir lorsque son cristal s’assombrissait. 

L’idée d’un monde futuriste ne tolérant pas la vieillesse semble aujourd’hui un peu galvaudée. Cependant, ce roman était à l’époque de sa parution, en 1967, dans l’air du temps : d’autres productions faisaient de la jeunesse un péril pour l’ordre établi. Pourtant, le regard porté sur cette jeunesse dans le roman est plutôt tendre. La critique porte davantage sur le fait que le renversement des ordres établis n’amène pas des mondes meilleurs mais des mondes tout autant perfectibles.
Je recommande fortement cet ouvrage à tous les amateurs de SF à l’ancienne mais surtout d’action dans un monde futuriste et sombre. Il se lit très bien comme un stand-alone… mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Sans trop dévoiler l’intrigue de Retour à l’âge de cristal, on peut dire qu’il s’agit à nouveau d’une quête d’un autre ordre qui nous fait voyager dans un univers cette fois détruit et qu’on peut donc qualifier de « post-apocalyptique », là où la société montrée par le premier était au contraire très ordonnée. Certains environnements sont nouveaux, d’autres totalement métamorphosés. Ce second tome, s’il est toujours riche en action et en sensations fortes, est plus posé. On a davantage l’occasion de voir les personnages évoluer et de s’interroger sur le sens à donner à leur vie et à leur monde. Ce roman est ainsi dans un sens plus poignant que son prédécesseur et moins rythmé. L’expérience est ainsi très différente du premier mais tout aussi captivante !