Les Chroniques de l'Imaginaire

Lord Peter et l'inconnu (Lord Peter Wimsey - 1) - Sayers, Dorothy L.

Un beau matin, Lord Peter Wimsey, fils cadet du défunt duc de Denver, reçoit un appel pressant de sa mère. Celle-ci connaît sa passion pour les enquêtes policières et s’empresse de lui communiquer une nouvelle des plus surprenantes : on aurait découvert le corps d’un inconnu, muni en tout et pour tout d’une paire de binocles, dans la baignoire d’un ami des Wimsey, le timide et effacé monsieur Thipps. 

Souhaitant pimenter un peu son quotidien, Lord Peter décide de se pencher sur l’affaire. Le mystère s’épaissit encore lorsque son ami Charles Parker, inspecteur à Scotland Yard, lui révèle que l’affaire pourrait être liée à la disparition d’un riche homme d’affaires.

Lord Peter et l’inconnu est le premier tome de la série des aventures policières de Lord Peter Wimsey. Pour moi, il s’agissait également de ma première rencontre avec son auteure, Dorothy L. Sayers, que je ne regrette absolument pas. J’ai dévoré ce roman ! L’intrigue est cocasse et l’humour délicieusement britannique. 

Le personnage de Lord Peter est un véritable moulin à paroles, capable de découvrir des informations capitales comme de débiter des sottises. Son exubérance comique, son usage décomplexé de l’argot et son rapport de confiance avec son valet de pied ne sont pas sans rappeler le personnage de Bertram Wooster dans la fameuse série des Jeeves de P.G. Wodehouse. Dorothy L. Sayers a d’ailleurs exploité cette similarité à des fins comiques dans certains de ses ouvrages ultérieurs. Deux différences de taille séparent pourtant les deux duos à mon sens. Tout d’abord, Wooster est un écervelé alors que Wimsey brille par son intelligence. Ensuite, la série Jeeves prend place avant la Première Guerre Mondiale, dans un début de vingtième siècle fantasmé. Les aventures de Lord Peter Wimsey sont en revanche très ancrées dans leur époque et prennent place au début des années 1920. 

On comprend vite que sous ses airs enjoués, Lord Peter est resté profondément marqué par la guerre et que les enquêtes policières sont pour lui un moyen de redonner un sens à sa vie. Le personnage acquiert dès lors une dimension tragique. Cela l’est d’autant plus que le passé torturé de ce héros n’est pas exagéré. Il s’agit d’un homme qui, comme des millions d’hommes de son époque, s’est trouvé sur le champ de bataille et n’en est pas rentré indemne. Cette lutte quotidienne contre une horreur « ordinaire » m’a touchée.

Fruit de son époque, le roman oscille donc entre la comédie, avec son meurtre improbable et son héros incontrôlable, et le drame, avec les réminiscences de la guerre et des réflexions sur la morale ou la mort. Il est ainsi à la fois plus drôle et moins léger que d’autres romans policiers du début du siècle, notamment ceux d’Agatha Christie pour ne citer que les plus célèbres. Je le conseille très chaudement aux amateurs de romans policiers, d’humour anglais mais aussi de protagonistes en lutte contre eux-mêmes.