Dans les années 1970, au Japon, Sumire est une jeune femme en proie à une grave crise existentielle. Elle est la fille naturelle et secrète d'un homme influent et d'une femme entretenue, devenue folle. Grâce à son père, elle dispose d'un poste dans un grand magasin. Elle entretient une relation avec un homme marié mais tombe enceinte.
Décidant de ne pas suivre les pas de sa mère, d'être indépendante et de ne se lier à aucun homme, elle se rend dans une clinique pour y avorter. Sa mère, qui a deviné les intentions de sa fille, se suicide le même jour. Pour payer ses obsèques, Sumire va devoir choisir entre accepter l'argent de son père ou se prostituer.
Commençons par le commencement : les éditions Kana nous offrent une édition intégrale splendide de Fleur de l’ombre. Toutefois, ce manga est bien évidemment pour un public averti. Ce n'est pas pour rien que la couverture le précise ! Les thématiques sont glauques et les dessins explicites.
Une fois prévenu - et d'âge adéquat -, le lecteur découvrira des dessins épurés mais percutants et une histoire qui ne laisse pas indifférent. Si certaines des décisions prises par Sumire peuvent paraître incompréhensibles au départ, on comprend bien vite que les choix possibles pour les femmes de son époque et de son pays sont en réalité très limités et que Sumire ne fait que tester les options qui lui sont accessibles. L'amie et collègue de Sumire est un peu le pendant assagi de la protagoniste, même si elle est tout aussi insatisfaite de sa situation. Entre le mariage ou la prostitution, c'est un peu comme si la voie intermédiaire recherchée par Sumire, une indépendance mais non solitaire, n'existait pas.
La postface écrite par Anne Garrigue éclaire d'ailleurs le lecteur sur cette question de la place de la femme, au Japon, dans la seconde moitié du XXe siècle. L'esthétique de ce manga est captivante. Je suis en revanche peu rentrée dans l'histoire en cours de lecture, comprenant peu les motivations de la protagoniste. Ce n'est qu'à la lecture de la postface que j'ai vraiment pu apprécier le récit, par rapport à son contexte, et réanalyser tout ce que je venais de lire.
Fleur de l’ombre est donc un ouvrage que je conseille de lire de la première à la dernière page ! Il plaira sans nul doute à ceux qui s’intéressent à la culture japonaise – même dans ses aspects les moins reluisants – ou aux questions d’émancipation.