Ce roman se déroule sur deux trames temporelles : les quatre jours du Grand Incendie de Londres, soit du 2 au 5 septembre 1666 ; les années et décennies précédentes, depuis 1639.
La première trame relate fidèlement le sinistre évènement, depuis son début timide dans une boulangerie, jusqu'à sa conclusion désastreuse d'une ville en cendres, mais en y ajoutant des éléments de fantasy. Ainsi, l'ampleur même du feu donne naissance à l'emblème vivant du feu qu'est un dragon, lequel bien sûr ne saurait se borner à dévorer une cité humaine, alors qu'il perçoit l'existence des faes. On voit donc dans cette trame, en parallèle, la lutte des humains contre l'Incendie, et la lutte des faes, au premier rang desquels Lune et le Prince de la Pierre, contre le dragon.
La seconde trame déroule la fin du règne désastreux de Charles Ier, la décennie mouvementée qui a suivi, puis la restauration de la monarchie avec l'accession au trône de Charles II. Ceci dans le monde humain, bien sûr. Mais l'anarchie et les incertitudes du monde "d'en haut" ont leur reflet inévitable "en bas", au Palais d'Onyx. Lune subit une attaque dans son propre palais, avec une lame en fer, qui la blesse de façon inguérissable, et plus grave encore une fraction des courtisans, les ascendants, supporte mal le lien maintenu entre la Cour d'Onyx et les mortels. En effet, si Sir Michael Deven est mort, il a été remplacé dans son office par Sir Anthony Ware, qui n'est pas véritablement le consort de Lune, mais qui porte le titre de Prince de la Pierre et qui est chargé de représenter les humains au Palais d'Onyx. Pour les ascendants de la Cour, comme pour la reine Nicneven de Fife, cette organisation particulière est un caprice intolérable, en ce qu'elle met les humains sur un pied d'égalité avec les faes.
Le parallèle entre l'histoire de Londres, et de l'Angleterre, et celle de la Cour d'Onyx est ici majeur : en effet, Lune perd son trône le jour où Charles Ier est décapité, les deux souverains ayant d'ailleurs été déstabilisés en même temps, et, partiellement et en sous-main, par les mêmes personnes. De la même façon, le vent de la Cailleach Bheur qui glace les faes a sa contrepartie en surface, sous la forme de ce fort vent d'est qui a (historiquement !) attisé les flammes de l'Incendie. Je pense que l'auteure s'est bien amusée à rechercher comment elle pouvait "traduire en éléments faeriques" les faits historiques, et cet aspect du roman est passionnant. J'ai eu un peu plus de mal avec les démêlés qui ont mené au procès et à l'exécution de Charles Ier, je dois dire. J'aime l'Histoire, mais j'ai ressenti un niveau de détail d'une richesse peut-être excessive, donnant une lecture parfois indigeste.
Les personnages sont toujours aussi fouillés, comme leurs relations. J'ai particulièrement aimé les différences entre les différents compagnons humains de Lune : son histoire d'amour réciproque avec Michael Deven est à peine évoquée ici, bien sûr, puisque c'était l'un des thèmes principaux du roman précédent, mais sa relation d'amitié et de respect, parfois houleuse, avec Sir Anthony en est aussi différente qu'elle le sera des rapports décontractés que son successeur entretiendra avec la reine des faes. Des courtisans à peine esquissés dans le premier roman prennent ici plus de place, comme Lord Valentin Aspell, par exemple, et de nouveaux personnages apparaissent qui enrichissent la trame de La Cour d'Onyx, comme notamment Irrith. A propos de cette dernière, j'ai relevé une erreur à la page 337 de l'e-pub, où Irrith est mentionnée au lieu d'Invidiana, comme une personne trahie par Ifarren Vidar, ce qui fait que la phrase n'a pas de sens.
Un autre élément qui prend de l'importance dans ce tome, c'est le Palais lui-même, correspondance dans le monde matériel de la Souveraineté conjointe de Lune et de son Prince. Durant l'exil de la reine et le règne de l'usurpateur, ce dernier, ne pouvant soumettre le Palais, visera à le détruire, et le Palais se défendra tant qu'il le pourra. La façon dont la reine et son consort sont liés au Palais, qu'ils perçoivent comme on perçoit couramment ses vêtements, voire son propre corps, est montrée avec ses avantages et ses inconvénients. J'aime vraiment beaucoup dans cette série la façon dont Marie Brennan suit une idée jusqu'à ses conséquences.
Même si j'ai eu un peu moins de plaisir à lire ce deuxième tome que je n'en avais eu avec le premier, j'attends avec impatience la parution en français des suivants, et j'en recommande la lecture... chaudement !